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Critique de Christophe_bj


Gabriel de Bramante est le petit-fils du prince de Bramante. Celui-ci avait deux fils, tous deux décédés. le grand-père avait une grosse préférence pour le père de Gabriel, aussi veut-il léguer toute sa fortune à Gabriel, au détriment de son cousin Astolphe, fils du cadet. La loi du « majorat » va dans son sens, puisqu'elle favorise de façon outrancière l'aîné des fils, le père de Gabriel et donc Gabriel lui-même, à qui doit revenir la fortune et le titre. Seul hic… Gabriel est en réalité une fille ! Pour pouvoir prétendre à la fortune et au titre princier, elle a été élevée en garçon depuis sa naissance, avec la complicité de son précepteur, un ecclésiastique tout dévoué au grand-père : « Dès sa plus tendre enfance (votre altesse avait donné elle-même à son imagination cette première impulsion), [Gabriel] a été pénétré de la grandeur du rôle masculin, et de l'abjection du rôle féminin dans la nature et dans la société. » ● Cette pièce méconnue de George Sand, qu'elle appelle « roman dialogué », est fascinante de modernité. le camouflage du sexe véritable de Gabriel va bien entendu donner lieu à de troublants malentendus. Les jeunes gens, éperdus, à commencer par son cousin Astolphe, vont tomber amoureux de « Gabriel » sans comprendre ce qui leur arrive : « Ah! c'est pourtant dommage que tu sois un garçon! ». « Quoiqu'il n'y ait guère de chances pour que je succombe, je puis périr dans ce combat; je ne veux pas que vous emportiez de moi l'idée que j'ai voulu faire la cour à un garçon, ceci ne me va nullement. ». ● Les péripéties sont toutes imprégnées du romantisme qui prospérait à l'époque de la publication de l'oeuvre (1839). Au travestissement de Gabriel vont s'adjoindre les ravages que la jalousie peut produire pour former une oeuvre aux sentiments grandiloquents qui tient plus du drame romantique que du roman, fût-il dialogué. ● Un féminisme très précoce affleure dans cette oeuvre où l'on voit que les femmes ne peuvent qu'être inférieures aux hommes, qu'elles soient promises au mariage ou courtisanes (ou encore religieuses). L'héritage est de toute façon une affaire d'hommes, les femmes en sont systématiquement écartées : « Je dis que cette transmission d'héritage de mâle en mâle est une loi fâcheuse, injuste peut-être. Ce continuel déplacement de possession entre les diverses branches d'une famille ne peut qu'allumer le feu de la jalousie, aigrir les ressentiments, susciter la haine entre les proches parents, forcer les pères à détester leurs filles, faire rougir les mères d'avoir donné le jour à des enfants de leur sexe!... » ● Mais ce féminisme est endigué par l'époque ; aux hommes l'intellect, aux femmes la sensibilité : « Et puis vous preniez peut-être plaisir à faire une expérience philosophique. Eh bien, qu'avez-vous découvert? Qu'une femme pouvait acquérir par l'éducation autant de logique, de science et de courage qu'un homme. Mais vous n'avez pas réussi à empêcher qu'elle eût un coeur plus tendre, et que l'amour ne l'emportât chez elle sur les chimères de l'ambition. le coeur vous a échappé, monsieur l'abbé, vous n'avez façonné que la tête. » ● C'est là une oeuvre très intéressante que je remercie cami_mondo de m'avoir fait découvrir. Comme cette amie babeliote le signale, la pièce est jouée en ce moment (octobre 2022) au Vieux-Colombier. J'ajoute pour ceux qui ont une liseuse Kindle que l'oeuvre est gratuite sur Amazon.
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