Tant de temps se gaspillait à se souvenir et parler du passé, qu’il n’en restait que très peu pour le présent. La conséquence fut qu’en dépit du prestige et de la sympathie dont avaient bénéficié les réfugiés russes, leur incapacité à s’ajuster à la situation causa progressivement ennui et irritation chez leurs amis, et chez eux-mêmes la conscience d’un problème insoluble.
Le commun du public est également incapable de distinguer entre un bon acteur et un bon rôle. L’acteur reçoit les louanges chaque fois que le mérite en revient, et c’est souvent le cas, à l’auteur.
Beaucoup applaudissent pour la simple raison qu’ils craignent que leurs voisins, même de parfaits étrangers, ne les soupçonnent d’ignorer les règles.
Enfin, il y a le genre d’applaudissements qu’on délivre de mauvaise grâce, comme une sorte d’aumône. Des applaudissements condescendants, sarcastiques, insupportables de suffisance, et accompagnés de bâillements. C’est ainsi que moi j’applaudis.
Plus souvent, les vraiment bons acteurs et actrices donnent leur meilleur lorsqu’ils jouent. Et puisqu’ils passent le plus clair des vingt-quatre heures quotidiennes à leur disposition, à jouer, cela ne diminue généralement en rien leur charme.
Ils n’ont guère l’esprit pratique, car bien qu’ils veuillent l’argent, ils ont besoin des applaudissements. Peut-être veulent-ils une épouse mais ils ont besoin d’un public. Et souvent ils veulent une opinion, mais ont besoin qu’on leur écrive leurs répliques.
Parfois, la marionnette ou le masque sont d’une beauté si enivrante que le porteur redoute de plus en plus de révéler ses aspects moins brillants au public, et se retire, inviolé, confortablement protégé du monde par son masque comme par une carapace.
À mon avis, l’erreur commune à beaucoup d’entre nous est de chercher de l’amusement durant les vacances, alors que le vrai truc, c’est d’utiliser un congé dans l’unique but de rendre le reste de l’année amusant.
Afin de savourer l’existence au maximum, il ne faudrait ni trop de vie primitive ni trop de vie civilisée. Nous avons tous besoin de périodes où nous approchons le plus possible du stade animal. Même s’il faut pour cela vivre dans l’inconfort.
Il peut être intéressant de noter que même les plus doués, les plus vertueux, ou même les praticiens les plus enragés du bon sens, tous sont également à la merci des circonstances – cette chausse-trape fatale. Que l’on soit propulsé vers le haut ou vers le bas, le plus difficile est de s’adapter. Les qualités requises sont, essentiellement, la souplesse et la faculté d’improviser.
On voit souvent dans le même bateau les gagnants de la loterie et les réfugiés fauchés. Apparemment, le degré de bonne ou de mauvaise fortune importe peu. C’est le changement soudain qui désempare.