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Critique de Luxi


Luxi
16 février 2018
10h32, c'est l'heure précise à laquelle l'existence de Thelma et son fils se déchire et s'abat sur le bitume. Louis, agacé, trop pressé sur son skate, est percuté par un camion. le reste, c'est du chaos au-delà du chaos.
Dès lors, on suit Thelma mais aussi Louis depuis son lit d'hôpital, englué dans son coma. de façon étrange il nous parle, il se raconte, il plaisante avec nous. Malgré son corps cassé, il irradie une profonde lucidité et une très belle beauté d'âme.
Et puis Thelma découvre par hasard « le carnet des merveilles » de Louis. Je crois que c'est à cet instant-là que j'ai aimé Louis. Quelle poésie, quel raffinement dans ce titre inscrit de son écriture bancale d'adolescent. « le carnet des merveilles. » Quelle façon délicieuse de voir la vie, quelle beauté dans les yeux d'un gosse.
Thelma en est persuadée : pour faire rentrer son fils des recoins sombres où il s'est replié, elle réalisera un par un les souhaits du carnet. Bien sûr, certains défis sont bien plus difficiles que d'autres mais elle les réalise tous, sans hésiter. Loufoques, osés, physiquement éprouvants ou clairement effrayants, Thelma se jette à l'eau et coche. Photos, vidéos, elle immortalise chacun de ses exploits et les raconte ensuite, au chevet de son fils.
C'est difficile, évidemment, parce qu'on est aussi enfoncé avec brutalité dans le quotidien d'une chambre d'hôpital où repose un garçon qu'on envisage peut-être de débrancher. de son exil forcé, Louis nous raconte ce qu'il entend, ce qu'il ressent, ce qu'il endure dans son coeur, sa chair et son âme. Mais à aucun moment ce n'est accablant ou pesant. C'est souvent dur, quelquefois alarmant, mais toujours il y a un sourire qui perce, un mot d'humour qui claque. La peur est là, la torpeur et l'abattement sont là, mais ils n'insistent jamais longtemps. Louis est trop rayonnant et Thelma est trop résolue.
J'ai lu ce roman à un moment où j'en avais nettement besoin et j'ai vraiment eu la sensation de respirer. Comme si j'aspirais une intense bouffée d'air frais. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de roman et pourtant j'y ai été particulièrement sensible. C'est un roman délicat et poignant, qui vous relève lorsque vous vous sentez chuter et vous force à rester debout, le dos droit, les yeux grands ouverts, poings serrés pour lutter. C'est un roman qui rend plus fort, plus généreux et plus humain. Qui vous rappelle que la vie passe, fugace, et que les choses essentielles ne vous attendent pas.
Et puis c'est joliment écrit, sans se vanter d'une plume exceptionnelle. On mêle poésie et langage plus actuel, façonnant un roman vrai, touchant et dynamique. Louis s'exprime bien mieux que les adolescents de son âge, Thelma parle avec élégance, même lorsqu'elle se laisse submerger par la colère ou le désespoir, et c'est vraiment appréciable. C'est très positif, très doux et très frais. C'est une lecture gracile qui caresse et console. On sourit beaucoup malgré la gravité sous jacente.
J'ai eu un vrai coup de coeur pour le personnage de Louis – et je ne m'y attendais pas. C'est un gamin très attachant, perspicace, lumineux. Mais au final, le roman dans son ensemble est pétillement, brillance et éternité. Thelma est une mère aussi attendrissante qu'étonnante, déterminée, splendide dans son obstination et ses combats. Les souhaits de Louis vont lui offrir une véritable remise en question : propulsée avec violence hors de son cadre habituel, elle va rénover toute sa vie.
Je crois au fond qu'il est là le vrai tour de force de Julien Sandrel : être parvenu à déployer de la légèreté sur la gravité, avoir extrait la minuscule pépite d'or parmi la boue et le sable, s'être concentré sur le rayon de soleil qui griffe la pièce obscure et douloureuse. Et si on pleure, ce n'est pas par chagrin mais par émotion face à tant de majesté, de générosité et d'enchantement.
J'écris cette chronique juste après avoir refermé la dernière page et c'est étrange, mais malgré les difficultés qui entaillent ma vie en ce moment, je me sens presque calme. Les voix de Thelma et Louis bruissent dans ma tête, tels de petits archanges espiègles et têtus. J'entendrais presque leurs éclats de rire et leurs regards de soie qu'ils s'adressent l'un à l'autre. Et puis voilà que j'ai soudain l'envie d'écrire ma propre liste aussi, mon propre « carnet des merveilles », pour vivre plus fort et ne pas me retourner sur ma vie dans vingt ans avec peine et regrets.
Merci aux éditions Calmann-Lévy et à NetGalley pour cette adorable lecture et ce beau portrait d'une mère et de son fils que rien ne peut broyer.
Lien : https://lechemindeslivres.wo..
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