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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La sorcière serait-elle devenue figure littéraire en vogue ?
En tous cas, après avoir découvert la sorcière de Limbricht, voici la sorcière de Wurzburg, une belle jeune femme rousse nommée Anna Thalberg.
En faisant le portrait d'Anna, Sangarcia revisite un pan tragique de l'histoire germanique : les procès des sorcières de Würzburg, au cours desquels Julius Echter von Mespelbrunn, le prince évêque de la ville aurait, avec l'aide de son neveu, condamné au bûcher près de 900 personnes sur une période de 60 ans. L'auteur crée le personnage d'Anna et fait d'elle l'une des premières victimes de ces princes évêques des régions qui avaient tous pouvoirs et obéissaient à la fascination des bûchers.

Anna est une paysanne de 22 ans, venue d'un autre village pour épouser Klaus et elle est "rousse, l'étrangère aux yeux de miel comme ceux d'un loup, à la peau saupoudrée de rousseur comme un serpent venimeux." C'est d'abord par jalousie que sa voisine Gerda la dénonce pour sorcellerie parce qu'elle a vu "son mari appuyé contre la barrière, contemplant cette intruse avec des yeux brillants qu'il n'avait jamais eus pour elle". Et puis dans la confusion entre pensée magique et religion, Anna devient le bouc émissaire du village : responsable de la sécheresse, d'une vache qui ne donne plus de lait, d'un bébé malade... On accuse toujours l'étranger, le différent lorsque les choses vont mal et cette pratique continue de provoquer des tragédies.

Cette hystérie collective qui permet aux hommes de pouvoir de monter les pauvres contre les pauvres, va mener une innocente de plus vers la chambre des tortures. C'est ainsi, avec le soutien de l'Église, que les seigneurs asseyaient leur domination.
" la douleur et la peur de la douleur étaient les instruments qui avaient serré la vis aux paysans pour qu'ils ne recommencent pas à se rebeller contre l'évêché et pour nettoyer la région de toutes sortes d'indésirables
le mendiant qui s'alimentait de la sueur d'autrui
le vagabond, qui n'a pas de racines et ne donne donc jamais de fruits
le honteux, qui vit le visage tourné vers le passé
et la femme, surtout la femme, qui est ennemie, peine, mal, tentation, calamité et danger
un palais construit sur un bourbier ".

Sur cette inversion des rôles, il suffit de cette description de Melchior Vogel pour comprendre que l''Inquisiteur est celui qui est possédé par le Mal." Il lança les cheveux dans un coin, remonta sa tunique et piétina la femme sur le ventre jusqu'à lui faire vomir la soupe qu'elle venait de manger, puis il posa une botte sur son visage, lui écrasant la pommette droite tout en exhortant le bourreau à être implacable, car les concubines de Satan ne méritent aucune pitié, juste de souffrir la plus grande douleur et connaître une mort affreuse "
Ainsi se décline, au rythme des tortures les plus atroces, la condamnation du fanatisme.

Mais on aurait dit peu de choses de ce roman si on ne parlait pas de l'écriture si singulière.
Pas de points avant la fin du chapitre ni de majuscules, une typographie bien particulière avec des dialogues sur deux colonnes : la forme originale de ce récit au rythme épique pourrait évoquer l'exercice de style un peu prétentieux. Mais il n'en est rien !. On sent du souffle, de l'énergie et une intensité qui n'a rien d'artificiel mais sert parfaitement le tragique de cette histoire.
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Pour être prosaïque, terrible et génial à la fois. Il s'agit d'une classique chasse aux sorcières dans l'Allemagne du 16ème siècle qui plonge le lecteur dans une véritable expérience à couper le souffle, et pas au sens littéral du terme. Il n'y a pas de point avant la fin de chaque chapitre ! L'auteur ne nous laisse aucun répit comme à Anna, il nous maintient sous pression avec un phrasé inimitable. Chaque point en fin de chapitre nous permet de reprendre notre souffle avant de replonger. Il n'est pas possible de s'interrompre en plein milieu de chapitre.

L'auteur s'est aussi totalement affranchi du carcan du contrat traditionnel passé avec son lecteur sur l'assignation du narrateur. Il y a un point de vue omniscient mais TOUS les personnages sont les narrateurs. Nous passons dans l'esprit de chacun au gré du récit et de l'action, Anna, son mari, la foule, la voisine qui l'a dénoncée, l'examinateur, le prêtre... Une vraie cavalcade qui est très réussie car il n'y a pas de confusion lors de la lecture, grâce au talent de l'auteur et une mise en page soignée. Cette dernière intervient aussi dans l'action, comme lorsqu'il préfigure la torture avec les gouttes d'eau.
Sans surprise cela se termine mal, mais -suspense- dans un final intense où « elle (se venge) en lui transmettant cette folie et cette aberration ».
Lien : https://lechameaubleu.fr/
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Aaaaaaaaaaaah (si t'as envie de savoir dans quel état je suis, je pourrais aisément continuer à hurler en utilisant tous les caractères autorisés pour écrire ce post).

Anna Thalberg évoque la rumeur qui se propage et condamne Anna au bûcher, rendue coupable de sa beauté par jalousie. On assiste donc à son procès, ses derniers jours, un bref aperçu de la situation historico-religieuse de cette Allemagne du XVIe siècle,… le tout en 160 pages à ôter le souffle.

Au delà de la dureté de ce texte (je te mets au défi de lire les descriptions sur les instruments de torture sans somatiser minou.e), la langue utilisée, véritable exercice de style de par sa typographie originale m'a stupéfait (la confrontation entre Anna et son confesseur en est l'exemple parfait, je te jure).

On a lu à deux avec @mar.ion.meuh de @danstapage et autant vous dire qu'on s'est tous les deux fait cueillir comme des petits lapins de garenne (hors watership).

Sérieusement lis ce texte, et va lire la chronique de Marion si t'as encore des doutes !

Quant à la qualité de traduction de l'🇪🇸, on la doit à Marianne Millon qui m'a permis de découvrir plein de textes tous aussi fabuleux les uns que les autres (Somoza / Piñol)

🔥
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Récit glaçant de l'inquisition dans son aspect le plus cruel, ici en Allemagne. On n'échappe pas aux pires détails, l'écriture est belle, on ne peut que blêmir à ce long voyage vers la mort que vit Anna, dénoncée par haine, jugée par un inquisiteur cruel, insensible, sadique. Un livre qui ne laisse pas indifférent.
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Il est de ces livres dont la forme prend une place prépondérante, à elle-seule une histoire dans l'histoire. Anna Thalberg en fait partie.

Il est de ces textes qui perturbent autant par le contenu que par le contenant ; voyage dans le passé marquant et virée étrange à travers les mots. Et leur mise en forme, leur mise en page.

150 pages, ça peut paraître peu, et pourtant sa densité et son ampleur coupent si souvent le souffle qu'il faut prendre le temps pour accepter / déguster / supporter / s'imprégner de ce livre hors norme. A tous les niveaux.

Vous n'avez jamais lu un livre comme Anna Thalberg, je peux vous l'assurer.

Premier chapitre, première expérience. A s'acclimater, à apprivoiser, à assimiler. Temps d'adaptation nécessaire pour comprendre la mécanique narrative pour le moins singulière.

Un chapitre, 10 ou 15 pages, comme une seule phrases mais en fait des sauts de paragraphes qui sont autant de changements de points de vue, des retraits supplémentaires pour les quelques phrases parlées (pas de dialogues au sens habituel du terme, rien n'est ordinaire dans ce livre). Et ce n'est pas la seule surprise stylistique.

Le principe pourrait paraître fumeux, il ne l'est pas. Périlleux, sans aucun doute, avec un auteur constamment sur le fil. Cette polyphonie permet de faire passer nombre de ressentis intimement entremêlés.

Il convient de saluer le travail de traduction de Marianne Millon, qui a dû faire preuve d'autant d'accommodation que de créativité pour transposer ce texte.

Et l'histoire dans tout ça ? Et les personnages ? Aussi puissants que leur enrobage, même si parfois celui-ci prend le pas sur les émotions.

Eduardo Sangarcía nous conte l'histoire d'Anna Thalberg, une femme de « rien », qui ne possède que son humble chaumière avec son mari. Et sa chevelure rousse. Une « étrangère », pas née dans ce village. Sa malédiction.

Dans l'Allemagne des XVIe et XVIIe siècles, la chasse aux sorcières battait son plein. Les croyances, les jalousies et les quêtes de pouvoir rendaient les hommes et les femmes fous, au point de dénoncer son prochain et l'envoyer à la torture. L'inquisition faisait le reste, à coups de supplices tous plus inventifs qu'horribles.

Des sommets d'abomination qu'Eduardo Sangarcía décrit sans complaisance mais sans rien cacher pour autant. Éprouvant au possible, mais important pour comprendre l'époque. Et qui est Anna Thalberg.

Ce bout de femme va se révéler d'une force mentale et d'une droiture insoupçonnées, rendant l'image de ce personnage immortelle dans l'imaginaire du lecteur, à défaut que sa chair ne le soit.

Cette lecture donne littéralement le vertige, par sa construction, par sa violence, par sa puissance d'évocation. Où on est tour à tour happé par le style ou par les actes. Où l'on passe d'un enrichissement intellectuel à des ressentis quasi sensoriels. Cerveau et coeur mis à l'épreuve.

Le court roman d'Eduardo Sangarcía ne laissera personne de marbre et se révèle une lecture aussi expérimentale que chargée en émotions diverses. Anna Thalberg, le livre comme le personnage, marquent. Si vous cherchez à sortir de votre zone de confort, voilà un texte tout indiqué.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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Parce qu'elle est belle, rousse et que ses yeux de miel attirent un peu trop les regards des hommes, Anna Thalberg est arrêtée sur ordre du tout puissant évêché alors qu'elle prépare le dîner de son mari Klaus dans leur chaumière d'Eisingen.

Sa voisine Gerda se frotte les mains en la regardant partir pour la prison de Wurtzbourg car c'est elle qui l'a dénoncée par jalousie à l'examinateur Vogel, un ogre sadique qui s'enorgueillit de ne céder à aucune supplique des hommes et des femmes qui sont accusés de sorcellerie et qu'il prend plaisir à voir brûler vifs sur place publique.

Alors qu'Anna est soumise à toutes les tortures possibles, elle tient bon dans sa foi et rejette les accusations toutes plus fantaisistes les unes que les autres que l'examinateur Vogel aura récolté contre elle. Tandis que son corps souffre et que son esprit résiste, Klaus tente l'impossible pour la sauver de cet enfer en sollicitant l'aide du père Friedrich, le curé du village.

Premier roman d'un auteur mexicain, Anna Thalberg nous plonge dans la folie meurtrière des procès des sorcières de Wurtzbourg qui virent périr par les flammes près de 900 personnes à la fin du XVIème siècle. Jouant avec la langue et la disposition du récit, il réalise un original tour de force littéraire tout en livrant un récit aussi cruel qu'émouvant qui ne devrait laisser aucun lecteur insensible.

📖 Anna Thalberg d'Eduardo Sangarcía paraîtra le 12 janvier 2023 aux éditions La Peuplade dans une traduction de Marianne Millon. 168 pages, 18€.

🔗 Service de presse de la librairie.
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