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Critique de Apoapo


Rédigé en 1980-81 et publié en 1987, Les Certitudes du doute est le dernier ouvrage autobiographique de l'autrice italienne. Il relate l'histoire de sa passion amoureuse pour Roberta, une jeune militante des Brigades Rouges rencontrée lors de leur séjour en prison, et retrouvée en liberté une fois sa peine purgée. Au départ, les retrouvailles entre les deux femmes qu'un différence d'âge d'une génération sépare ressemblent à un jeu de cache-cache motivé par les doutes et les réticences mutuelles : Roberta n'a-t-elle représenté pour Goliarda qu'un simple égarement durant la réclusion et ses privations, et réciproquement ? N'est-elle pas désormais, elle parmi d'autres anciennes détenues libérées qu'elles s'empressent de revoir ensemble, le reflet de cette nostalgie de la chaleur des relations humaines entre condamnées – entre femmes – dans ce milieu carcéral protecteur et intellectuellement stimulant, notamment par la présence des « politiques » aux côtés des « [prisonniers de] droit commun » ? Est-elle d'emblée destinée à devenir le personnage d'une oeuvre littéraire, dont l'écriture prolongera la vie, de même que celle de la narratrice ? Et d'autre part, pour Roberta, Goliarda n'est-elle pas une infiltrée qui essaie d'être mise en contact avec les cadres des Brigades Rouges pour le compte de la police ? Ou bien une simple écrivaine, « voleuse » de l'histoire des gens pour les fins de sa création ?
Mais au fil des rencontres et des rendez-vous dans des lieux inhospitaliers de Rome – bars de gare, de stations de métro, banlieues éloignées et glauques, lieux de réunions semi-clandestines, sans oublier l'improbable salle de bain, arrière-boutique de la parfumerie d'une ancienne codétenue, où les trois se retrouvent nues... – les incertitudes se dissipent et, avec une précision impeccable, l'évolution des sentiments amoureux entre les deux protagonistes est décrite jusqu'à des sommets émotionnels impressionnants. de ce fait, nous avons là le récit d'un amour lesbien chez deux bisexuelles assez avant-gardiste pour le début des années 80 ; de manière beaucoup plus allusive mais non moins intéressante, le paysage intellectuel de la gauche radicale italienne des « années de plomb » se développe, représenté par les deux générations – Goliarda plaçant le militantisme « terroriste » de Roberta en rapport antagoniste avec sa propre expérience de la Résistance. Enfin, le personnage de Roberta est complexifié et apparaît plus mystérieux et insaisissable à Goliarda, et par conséquent au lecteur, à cause de l'addiction de la jeune femme à l'héroïne, qui inspire une horreur et une compassion « maternelle » à l'autrice. La passion est là, avec son sentiment de communion en profondeur, mais la compréhension réciproque est douteuse voire illusoire, et la lucidité de l'autrice ne s'en cache pas.
Le texte résulte donc riche et complexe, rendu par une langue soignée et raffinée, attentive aux sauts de registre, aux nuances dialectales et aux disparités du parlé entre classes sociales – la traductrice a fait preuve d'un remarquable talent pour faire ressentir, avec beaucoup de modernité, les aspérités et rugosités de cette langue dans toute sa finesse.
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