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Critique de JCCoulange


Entrer dans un nouveau livre, on le sait bien, est déjà une aventure en soi. Entrez donc dans Echec, et Mat, de Galien Sarde ; vous ne le regretterez pas. Sans trop la dévoiler, sachez que vous apprécierez la fine élégance de la couverture, annonciatrice d'un texte de qualité, semblable à ceux proposés par Fables Fertiles, cette maison d'édition naissante, prometteuse, si l'on en croit les trois ouvrages publiés, de pépites littéraires.
Le titre : virgule après « échec », majuscule à « Mat » ? Etonnant…
Vous en viendrez ensuite à l'épigraphe, toujours un peu énigmatique. Tiens, ici, une citation des Rolling Stones, de « Gimme Shelter »… Alors vous vient en tête, s'insinuant, le souvenir d'une guitare à la fois planante et angoissante, qui vous survole, comme les bras du chanteur sur scène, semblable aux ailes d'un oiseau maléfique. A quelle aventure nous introduit-on ? A quel voyage ? Vers quel envol ? Vous êtes prêt ? Tournez la page. La rythmique se met en route, implacable, aussi efficace que celle du groupe de rock, aussi percutante et inéluctable que celle de la caisse claire de Charlie Watts : « Mat vient de me réveiller.
"Vite, suis-moi ! "
Confusion, bruits métalliques, voix lointaines. le moteur entendu n'était pas dans mon rêve.
"Dépêche-toi, il faut qu'on file !" »
Ça y est, vous êtes partis. Vous allez filer vous aussi. Vous ne vous arrêterez plus. Ce livre n'est pas à choisir le soir avant de s'endormir, si l'on veut se lever tôt le matin. Vous allez avoir des cernes. L'objet que vous avez entre vos mains est hautement et jubilatoirement addictif, et nullement nocif. Impossible de le refermer. Car Galien Sarde a ce pouvoir magique de vous embarquer aux côtés des deux protagonistes et de vous faire vivre, tant intellectuellement que physiquement, tout ce qu'ils vivent et ressentent. Vous allez fuir avec eux une ville où règne un pouvoir totalitaire, rouler pendant des heures dans le désert, écrasés de chaleur. Vous allez croire, comme Théo, à la fiction fabriquée par ce pouvoir et, peu à peu, briser vos représentations et ouvrir vos yeux à une autre réalité, tout au long de ce récit initiatique au style vif et trépidant, aux phrases parfois disloquées. Vous allez pénétrer les souvenirs du personnage et vous enfoncer dans les couloirs obscurs et moites de la ville souterraine. Puis, vous allez rêver, désirer, jouir ou être frustrés. Vous allez craindre la répression, vouloir vous en dégager, briser cette gangue, ce rôle qu'on vous a assigné, refuser le déterminisme. Y parviendrez-vous ?
Et puis vous aurez soif.
Soif de liberté bien sûr, d'un ailleurs, d'une nouvelle vie dans un monde nouveau, au-delà de « la ligne rouge », au-delà du désert, où à nouveau « le pétrole [vaudra] plus que l'eau claire », où cet élément vital ne sera plus exploité pour mieux asservir les populations. Mais pas seulement ; vous aurez soif, vraiment, au sens propre. A en avoir mal, à ne pouvoir avaler, et vous sentirez alors l'eau bienfaisante passer de la gourde à vos lèvres sèches, apaiser votre gorge et vous emplir de vie, tout comme le pain, simple et bon, que l'on mâche doucement, rare moment de répit.
Alors vous vous méfierez. Une inquiétude pointera en vous. Roman d'anticipation… Et si le monde décrit dans ce livre était notre avenir ? Depuis le temps que nous nous y employons les yeux fermés mais sciemment, nous l'avons bien mérité notre petite apocalypse.
Vous l'aurez compris, ce roman polysémique pointe plusieurs thèmes en résonance particulière avec notre époque : l'écologie, la liberté, le déterminisme, la fiction, et (c'est peut-être sa plus grande richesse) tout un champ de possibles selon la sensibilité de chacun des lecteurs.
L'eau (vie), la liberté, la fiction (imagination, création…), trois éléments liés, interagissant les uns sur les autres comme les éléments d'une chaîne alimentaire, d'une chaîne de vie. Trois éléments précieux et fragiles, périssables ou jamais définitivement acquis, à protéger.
Alors, après avoir lu ce roman, nul doute que vous irez, lentement, précautionneusement, sans en perdre une goutte, vous servir un verre d'eau. Vous la savourerez, doucement, à petite gorgées, en toute liberté. L'eau, la liberté ; vous savourerez l'une et l'autre, vous chérirez l'une et l'autre ; et vous retournerez lire Galien Sarde.
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