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Critique de Cigale17


Nettement plus long que les trois premiers, ce tome me semble aussi le plus personnel, si j'ose dire pour un ouvrage qui, depuis le tome I, se présente comme une autobiographie… Cet effet est sans doute provoqué par le regard plus aiguisé que le petit garçon porte sur son entourage, que ce soit en France ou en Syrie. On le voit grandir et devenir de plus en plus conscient des dysfonctionnements des uns et des autres.


Le choc culturel que Riad éprouve en vivant tantôt en France, tantôt en Syrie n'est pas absent des trois premiers tomes, mais il devient un ressort dramatique dans celui-ci. Et que dire de la mère qui voit, impuissante, le brillant et moderne universitaire qu'elle a aimé se transformer en religieux rigoriste pour ne pas dire intégriste au fil des séjours dans son pays natal ! Elle s'affirme pourtant et réussit à se faire entendre mieux qu'avant. Elle refuse tout net d'aller en Arabie Saoudite et, même quand elle réside en Syrie, ce n'est plus la femme timide et parfois soumise que nous connaissions. le couple ne peut que se défaire...


La personnalité du père se révèle assez complexe. A la façon dont il s'isole ou dont il conduit sa voiture, entre autres choses, on se demande parfois s'il n'est pas en train de perdre la tête… Les premiers tomes montraient déjà son nationalisme, mais dans celui-ci, on le voit plonger et devenir une sorte de caricature de ce qu'il aurait voulu être. Il semble aimer sincèrement sa femme et ses enfants, mais un rien le fait basculer et son égoïsme resurgit aux dépens d'eux, souvent. Il a la générosité des avares : le voilà capable de dépenser beaucoup d'argent pour une futilité, mais incapable d'assurer un ordinaire décent à sa famille, non pas parce qu'il manque d'argent, mais parce qu'il économise… Violemment raciste, antisémite, antiféministe, mendiant la reconnaissance de ses concitoyens, mythomane et envieux, c'est par la pratique stricte de la religion qu'il gagnera l'estime et le respect de ses voisins, ce à quoi il tient beaucoup et qu'il n'a pas réussi à s'assurer dans les premiers tomes.


Le jeune Riad, que l'on suit cette fois de ses 9 ans à ses 14 ans, vit pour sa part l'écartèlement qu'éprouvent beaucoup d'immigrés et de binationaux… sans doute encore plus exacerbé dans son cas puisque chaque parent incarne un pays différent. La scolarité se révèle une véritable épreuve dans les deux pays : bien que les motifs invoqués et les moyens employés soient différents selon le pays, on se moque de lui et on le maltraite. Ses relations avec les adultes sont assurément plus satisfaisantes en France qu'en Syrie. Il développe une véritable relation avec Charles, le compagnon de la grand-mère, qui s'est pris d'affection pour lui et qui est le premier à reconnaître son talent, et à le prendre au sérieux. L'éveil de la sexualité, les transformations physiques et physiologiques, le discours de son père sur les femmes viennent encore compliquer l'entrée dans l'adolescence.

Riad Sattouf travaille en grand aplats de noir, blanc, vert et de différentes nuances de rouge. Avec cette palette restreinte et la sûreté de son trait, il réussit magnifiquement à rendre une large gamme d'émotions chez ses personnages et à nous les faire éprouver à notre tour. Vivement le cinquième tome : j'ai hâte de savoir comment va tourner le coup d'État du père !
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