AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de EvlyneLeraut


« Alors, avec son petit sourire énigmatique, il demande : Si vous ne croyez pas les souvenirs des vieux, qu'est-ce que vous allez croire ? »
Engagé, sociétal, « Jour encore, nuit à nouveau » est un kaléidoscope sociologique.
Troisième volet d'une série dont on retrouve les mêmes protagonistes de « Mathilde ne dit rien, d'Héroïne. » Avec à chaque fois un personnage central, fil rouge d'une histoire réaliste, urbaine, au fort pouvoir cinématographique.
Cette mise en abîme de la Place carrée – 3 – est tout en mouvement, fébrile et stupéfiante de justesse. On est en assise dans ce livre d'ouverture, intime et touchant dont on ne lâche rien .
La trame fusionne avec notre contemporanéité. C'est un livre attachant, chaleureux, dont la force et la beauté, l'humanité émigrent en nous.
Vivant, délicieusement politique, il est le reflet des diktats du XXIème siècle.
« Ali a l'impression d'être le fils de Hassan II. Asseyez-vous ici. Á côté de Pablo. Elle ne semble pas surprise de voir un petit Marocain s'installer dans le carré d'or du théâtre, à côté de Pablo Picasso. Et voilà, dit Ali à sa troupe de comédiens. »
Loïc ne sait plus, ne va plus. Fragile jeune homme pris en tenaille dans les fragilités de ses tourments. Solitaire, apeuré, il craint le monde où le Covid sème ses lois et ses enfermements. Il semble échoué entre deux rives. Cherche immanquablement un point d'appui.
« Il se sentait petit. Il avait l'impression que toute la famille avait grandi, et pas lui. Il était tout seul à la table des enfants pendant que les adultes riaient et buvaient du vin. Alors il a imité sa soeur et il a appelé sa mère Mémé et son père Pépé. »
Loïc est dans son appartement. Il observe la Place carrée, vide de ses hôtes. Nous sommes dans l'ère du confinement, de l'arrêt sur image. Par la lunette de sa carabine.22. Long Rifle, il glisse sur un de ses voisins, touche une ombre et cherche à abattre ses angoisses intestines. Loïc est enfermé dans ses peurs , sans menace aucune, une prise de pouvoir sur ses souffrances, il se laisse glisser dans un silence où il n'a aucun espace de lumière. Il a peur de tout. Des autres, du virus, de ses collègues qu'il ne verra plus et pour cause. Loïc a abandonné son poste, Loïc ne va plus au théâtre. Il écrit sur des carnets , l'exutoire de ses blessures, une pièce de théâtre « Les aventures de Clic et Cloque », trame paranoïaque, dont l'enjeu est bien en de ça de ses troubles.
« Si la bête a mon apparence, qu'elle parle comme moi et qu'elle pense comme moi, ça veut dire que la bête, c'est moi. »
« Jour encore, nuit à nouveau » la voix parle sans cesse. Loïc étreint ses folies, ses rejets, ses douleurs infinies. Replié dans les rais sombres, il se sait plus se débattre contre l'incertitude, les peurs aux abois, le loup dans la bergerie. Son appartement est une muselière.
On aime Nini, sa soeur qui veille tel un phare sur son frère. Les habitants qui déambulent dans les tours de la Place carrée. Lui, Loïc, affolé, anxieux et dont le futur est un mirage. Endoctriné d'informations faussées par d'aucuns. Il a ses codes, ses manies, ses errances psychologiques. Il est l'emblème même d'un homme en proie aux responsabilités d'un état qui a failli. le virus, le manque de masques, les morts, l'arrêt de l'aiguille à midi pile en pleine Place carrée. Il est « Jour encore, nuit à nouveau ». le soleil ne se lève plus. La voix parle sans cesse.
Ce thriller sombre et lumineux est pétri de sentiments. Il y a au coeur de cette place carrée le monde qui gravite par grand soleil et par temps de pluie. Mai 2020 sonne le glas. La fin de la récréation. Un, deux, trois, soleil. On ne bouge plus.
Tristan Saule est un observateur qui rassemble l'épars de notre société. La place Carrée est une étoile dans nos mains, tant elle réchauffe et rend hommage à cette France des quartiers où pourtant, ici, croustille le meilleur pain, celui de l'entraide et de la solidarité.
Ce récit est un miroir dont les fissures sont des électrochocs pour nos semblables . La fraternité, ici, est l'expression même des hôtes des pages. On aime l'écriture de Tristan Saule qui sait où se se situe les gravités et les faiblesses. Il est « Jour encore, nuit à nouveau ».
Ce livre noir et grave, d'urgence de lecture, est le macrocosme de nos humanités.
Loïc, tout un symbole, criant d'authenticité, d'amour fou et de besoin de vie et de reconnaissance.
Des chroniques cruciales et magistrales. Publié par les majeures éditions le Quartanier éditeur.
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}