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Critique de Dandine


C'est un livre court. Un livret. Un fin opuscule. Precede d'une preface de Pierre-Emmanuel Dauzat qui le met en rapport avec ses sources, ses attaches, ses accointances, ses comparses en litterature. Excusez du peu: Rimbaud, Jarry, Ivo Andric, Alexandre Tisma, Homere, Goethe, Yeats, Michel Foucault, Drieu la Rochelle, Dante, Simenon, Elias Canetti, Paul Valery, Sartre, Simone Weil (la philosophe), Ortega y Gasset, Sylvia Plath, Saint Augustin, Seneque, Kazantzakis, Kafka, Melville, Camus, Origene, Lewis Carroll, Borges, Roger Caillois, Thomas Bernhard, jusqu'a Hitler! et quelques auteurs serbo-croates inconnus de moi. Trop c'est trop. Enerve, j'ai failli abandonner ma lecture.
Mais c'est un livre court, alors j'ai continue.


Un homme a qui on a diagnostique un cancer terminal part de Belgrade pour voir une derniere fois son Montenegro natal, la montagne aux cimes blanches de son enfance, et y mourir. Voir la Prekornitsa et mourir. Revenir mourir chez soi, a la maison.
Au milieu du trajet il saute du train et se met a marcher. Rencontrant une paire de campeurs, il les fuit, sans raison apparente. Eux, surpris, se mettenr a sa poursuite, sans plus de raison. Mais bientot se joignent a eux un berger et un garde forestier, qui accusent le fuyard de toutes sortes de delits. Le groupe des poursuivants grandit sans arret, exponentiellement, devient une meute, haineuse, desireuse de faire payer des crimes que personne ne sait detailler vraiment. Quant au fuyard, il finira, dans un delire grandissant, par croire qu'il est arrive a sa destination desiree, au Prekornitsa, et il mourra apaise (machant des herbes veneneuses ou se jetant du haut d'un rocher). Contrairement aux poursuivants, tourmentes par leur echec a rattraper leur cible et surtout par l'incomprehension de leur propre attitude dans cette affaire.


Un homme est poursuivi par de parfaits etrangers, qui ne savent rien de lui, s'imaginent tout et n'importe quoi, et sont determines, sans qu'ils en comprennent eux-memes les raisons, a le spolier de la seule chose qui lui importe: le droit de choisir sa mort, le moment, l'endroit, les modalites de sa mort.


Une poursuite qui est une persecution. Metaphore de la facon dont les hommes se comportent avec ce qu'ils ne comprennent pas, avec ce qu'ils considerent comme discordant et incompatible avec leur vecu, inconciliable avec leurs valeurs. Une metaphore des relations entre individus et collectivites, entre une personne et la masse des autres, entre norme et divergence; sur les motifs, reels ou pas, fondes ou pas, de la stigmatisation, de l'anathematisation de l'autre, de celui qui est percu comme autre; sur la fabrique de victimes; sur la formation de bourreaux.


C'est un livre inquietant. Kafkaien si je dois choisir entre toutes les sources citees dans la preface du sieur Dauzat. D'un Kafka qui aurait vecu assez longtemps pour connaitre et interioriser le 1984 d'Orwell. Par bonheur c'est un livre court, sa lecture finit avant qu'elle ne devienne penible. Chaque lecteur aura juste le temps de se demander s'il est poursuivant, et quel type de poursuivant est-il, et au nom de quoi, ou s'il est poursuivi, et alors pourquoi croit-il qu'il l'est. Quant a moi, je crois que ca depend du lieu et du moment. Nous sommes tous poursuivis. En puissance. Nous sommes tous poursuivants. En puissance.


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