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Critique de Cartouches


Histoire d'une disparition

Philosophe et essayiste passé à la fiction, Frédéric Schiffter publie son deuxième roman, l'histoire d'un homme qui s'efface : 𝑹𝒆́𝒕𝒓𝒆́𝒄𝒊𝒔𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕.

Baudoin Villard est un professeur de philosophie et petit intellectuel, invité sporadiquement à des émissions de télévision peu regardées. La quarantaine passée, cet essayiste subit un deuxième licenciement amoureux : sa première femme l'avait congédié pour une autre femme, sa seconde, Federica, le remplace par son patron, un riche promoteur immobilier, bétonneur de la côte atlantique.

Sans capital financier conséquent et avec un pouvoir attractif limité, Federica s'est lassée de lui et l'humilie : « 𝑈𝑛 ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑎𝑢 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑑'𝑎𝑐ℎ𝑎𝑡 𝑛𝑢𝑙 𝑒𝑡 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑢𝑠𝑡𝑟𝑒 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑐𝑎𝑠𝑡𝑟𝑒́ ».

L'univers de Baudoin rétrécit : il passe d'un grand appartement de 200 m2 à un deux-pièces, doit se séparer de ses livres et ses amis le lâchent. Ils lui préfèrent son ex-compagne qui raconte à qui veut bien l'entendre qu'elle était sous l'emprise d'un pervers, d'un "bourreau psychique".

Il est remplacé, déplacé, dépassé. Ce qu'on pouvait appréhender comme une crise de la quarantaine cache un mal plus profond : cet ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑠𝑢𝑟𝑛𝑢𝑚𝑒́𝑟𝑎𝑖𝑟𝑒 ne comprend plus rien de la vie, et assiste au rétrécissement de son existence.

« 𝑆𝑎𝑛𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑗𝑒 𝑝𝑢𝑖𝑠𝑠𝑒 𝑒𝑛 𝑠𝑎𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑙𝑎 𝑐𝑎𝑢𝑠𝑒, 𝑗𝑒 𝑚𝑒 𝑠𝑒𝑛𝑠 𝑐𝑜𝑟𝑝𝑜𝑟𝑒𝑙𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑝𝑠𝑦𝑐ℎ𝑖𝑞𝑢𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒́𝑐𝑟𝑜𝑖̂𝑡𝑟𝑒. »

De moins en moins adapté à la vie sociale qui lui cause un terrible malaise, il se recroqueville sur lui-même. 𝐶𝑙𝑎𝑢𝑠𝑡𝑟𝑜𝑝ℎ𝑖𝑙𝑒, Baudoin trouve sa place uniquement reclus (dans sa chambre à part lorsqu'il habitait le foyer conjugal, puis dans son petit appartement, qu'il aura de plus en plus de mal à quitter).

D'un état général «cafardeux plutôt stable», sa vie oscille entre ennui et douleur. Son seul ami va être son nouveau voisin dans la résidence, M. Levy, 90 ans, avec lequel il fait la discussion et par l'entremise duquel il rencontre Betti, sa fille.
Baudoin commencera une liaison amoureuse avec elle, mais son rétrécissement poursuivra son chemin, son moi se rétracte, inexorablement, malgré les discussions avec le Dr Nadaillac, son psychiatre. Jusqu'où ?

La fin du roman, qu'on se garde bien de dévoiler, est brillamment conçue et finement menée, tant sur le fond que sur la forme.

Dans ce roman, Schiffter expose des réflexions très justes sur la famille, les relations hommes/femmes, la prétendue solidité de l'amitié, et crée le néologisme des "𝑒𝑚𝑝𝑎𝑡ℎ𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑠" : cette nouvelle espèce de tartuffes qui se soucient des victimes à la mode et qui vont de paire avec l'engeance des autoproclamées victimes.

𝑹𝒆́𝒕𝒓𝒆́𝒄𝒊𝒔𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 est un roman existentiel aux accents schopenhaueriens par ce pessimisme de l'existence et kafkaien par l'inéluctabilité de la métamorphose de Baudoin.

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