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Critique de Laurence64


Il est jeune mais du haut de ses 20 ans (quel vieux couillon a parlé du bel âge?), il désespère, le garçon. Il ne se sent pas exister. D'ailleurs son créateur a même omis de le nommer. C'est dire. Il désespère donc et déprime sacrément. Au point d'envisager le suicide.
Pas tout à fait au bas du bas, il réfléchit à la méthode. La pendaison le séduit. Je ne frissonne pas. Je demeure stoïque. Rien ne me semble perdu. Si le héros estime encore valoir une corde pour se pendre, l'espoir demeure.Le présage est favorable.
Et, aussi futée qu'un troupeau de bisons, je contemple le nombre de pages restant. Aucune chance qu'à la sixième page, le héros romanesque achève sa jeune vie, la langue bleue, la cervicale rompue.
Je le suis donc dans la grange censée abriter l'acte fatal qui s'avère contagieux. Un parfait inconnu y dresse son gibet. Il y a des épidémie de pendaisons comme des épidémies de grippe. Ou des lieux infestés par les potences comme d'autres par les souris. Ou des jours qui poussent à l'accrochage vertical. Je ne sais…

Mais à la page 6 (ou dans ses environs), une poutre syntaxique s'effondre, abime mon oeil droit qui s'affole. Nan, j'ai mal lu. Je reprends la phrase, ânonne, bêle, hennit. Rien n'y fait. La phrase rédhibitoire clignote, m'aveugle. Je tente de récupérer la vue et récite à haute voix afin d'évacuer la scorie visuelle. "La corde où je me suis pendu".
Fébrile, je cherche le nom du traducteur français de notre écrivain francophone. Parce que… Dites, un écrivain, ça ne peut pas laisser passer ça! La corde, ce n'est pas un lieu à moins qu'il ne soit question du charmant village de Cordes? Mais pourquoi aller se tuer dans le Tarn?
D'accord, le héros se sent méprisable. Mais faut-il mépriser la langue française afin qu'écrivain et créature se mettent au diapason? Et ce n'est pas parce que son héros confesse avoir "toujours tout raté, pour être exact, ma vie comme mes suicides", qu'il convient de s'appliquer à rater l'écriture de son livre.
J'ai poursuivi un peu ma lecture, délaissant la grange aux suicides aussi encombrée que les toilettes d'un pub irlandais. Près de la falaise prometteuse d'une chute finale, une autre aberration grammaticale m'attendait en compagnie d'un individu aux dents chargées.
Plus bégueule que Monsieur Grévisse, j'abandonnais ma lecture avant la vingtième page, convaincue que ce bouquin fut peut-être une oeuvre d 'art avant sa rédaction.

J'avoue, à ma grande honte, avoir commis le geste impardonnable dont je ne me remets pas malgré les huit années écoulées: j'ai enfermé le bouquin dans un sac noir que j'ai fermé et jeté. La corde où j'ai fermé la poubelle me hante encore.
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