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3,6

sur 2029 notes
Il est jeune mais du haut de ses 20 ans (quel vieux couillon a parlé du bel âge?), il désespère, le garçon. Il ne se sent pas exister. D'ailleurs son créateur a même omis de le nommer. C'est dire. Il désespère donc et déprime sacrément. Au point d'envisager le suicide.
Pas tout à fait au bas du bas, il réfléchit à la méthode. La pendaison le séduit. Je ne frissonne pas. Je demeure stoïque. Rien ne me semble perdu. Si le héros estime encore valoir une corde pour se pendre, l'espoir demeure.Le présage est favorable.
Et, aussi futée qu'un troupeau de bisons, je contemple le nombre de pages restant. Aucune chance qu'à la sixième page, le héros romanesque achève sa jeune vie, la langue bleue, la cervicale rompue.
Je le suis donc dans la grange censée abriter l'acte fatal qui s'avère contagieux. Un parfait inconnu y dresse son gibet. Il y a des épidémie de pendaisons comme des épidémies de grippe. Ou des lieux infestés par les potences comme d'autres par les souris. Ou des jours qui poussent à l'accrochage vertical. Je ne sais…

Mais à la page 6 (ou dans ses environs), une poutre syntaxique s'effondre, abime mon oeil droit qui s'affole. Nan, j'ai mal lu. Je reprends la phrase, ânonne, bêle, hennit. Rien n'y fait. La phrase rédhibitoire clignote, m'aveugle. Je tente de récupérer la vue et récite à haute voix afin d'évacuer la scorie visuelle. "La corde où je me suis pendu".
Fébrile, je cherche le nom du traducteur français de notre écrivain francophone. Parce que… Dites, un écrivain, ça ne peut pas laisser passer ça! La corde, ce n'est pas un lieu à moins qu'il ne soit question du charmant village de Cordes? Mais pourquoi aller se tuer dans le Tarn?
D'accord, le héros se sent méprisable. Mais faut-il mépriser la langue française afin qu'écrivain et créature se mettent au diapason? Et ce n'est pas parce que son héros confesse avoir "toujours tout raté, pour être exact, ma vie comme mes suicides", qu'il convient de s'appliquer à rater l'écriture de son livre.
J'ai poursuivi un peu ma lecture, délaissant la grange aux suicides aussi encombrée que les toilettes d'un pub irlandais. Près de la falaise prometteuse d'une chute finale, une autre aberration grammaticale m'attendait en compagnie d'un individu aux dents chargées.
Plus bégueule que Monsieur Grévisse, j'abandonnais ma lecture avant la vingtième page, convaincue que ce bouquin fut peut-être une oeuvre d 'art avant sa rédaction.

J'avoue, à ma grande honte, avoir commis le geste impardonnable dont je ne me remets pas malgré les huit années écoulées: j'ai enfermé le bouquin dans un sac noir que j'ai fermé et jeté. La corde où j'ai fermé la poubelle me hante encore.
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Un jeune homme désespéré par sa banalité est décidé d’en finir avec la vie lorsqu’il rencontre un artiste qui lui propose de réaliser son rêve, faire de lui un être d’exception admiré de tous, le transformer en œuvre d’art. De ses transformations physiques, dont on ignore la teneur mais qu’on imagine monstrueuses, à son exposition dans des galeries d’art contemporain, le sujet perd toute liberté et devient objet, la création d’un homme vénal qui lui dénie par son intervention toute humanité.

Mélange de Dorian Gray et de Raphaël de Valentin de La Peau de chagrin, le héros d’Eric-Emmanuel Schmitt signe un pacte qui met en conflit son désir d’exister, de paraître et sa liberté. Un pacte diabolique scellé entre deux hommes qui s’imaginent pouvoir modifier l’œuvre de Dieu. C’est ce que ce roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, un des plus réussis à mon sens, illustre en se concluant toutefois par une note optimiste puisque le héros sera sauvé par l’amour d’une femme.
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Quelle originalité. C'est vraiment un livre surprenant et original, c'est le cas de le dire. Un jeune homme, desespéré, prétend avoir raté sa vie. Il est donc prêt à se jeter d'une falaise mais un artiste, plus précisément, un sculpteur va lui proposer un accord. Un accord que Tazio acceptera.
Il va lui vendre son corps et son âme pour devenir un objet. Une sculpture exposée devant tous. Tazio qui a toujours été un moins que rien, une personne non admirée, non aimée est heureux. Heureux d'être considéré comme unique. Heureux d'être enfin admiré. Mais grâce à Fiona, une jeune femme qui accompagne son père peintre, va lui ouvrir les yeux. Cet artiste n'est qu'un manipulateur. Ce qu'il veut c'est le succès, la gloire et l'argent. Ce qu'il a, grâce à Tazio. D'ailleurs, cet artiste qui se nomme Zeus Peter Lama veut à tout prix déshumaniser Tazio.

Ce petit livre de moins de 300 pages est très intéressant et fait réfléchir. Tout d'abord, sur l'importance de la vie. Mais aussi, sur l'importance du succès, de la célébrité. le narrateur de l'histoire est tout de même prêt à se suicider car à côté de ses frères, il n'est rien. Sa vie est banale. de nos jours, l'apparence est très importante tout comme l'envie d'être reconnu. Tazio ne veut pas vivre pour lui mais pour les autres. Et on se rend compte que finalement, ce qu'il a toujours voulu ne sera pas si plaisant que cela. La célébrité rend égoïste, excentrique et Tazio l'apercevra à travers Zeus, son créateur. Ensuite, ce livre place l'art comme grand importance. Non seulement car le narrateur perd son corps et pourrait perdre son humanité en devenant un objet d'art. Puis, en regardant un artiste profité d'une situation de désespoir pour devenir riche et célèbre. Est-ce que les gens admirables et connus pour leur travail sont ils tous si superficiels? Finalement, la gloire rend-il égoïste et méchant?

Ce livre ne s'arrête pas là. Il nous montre aussi la prise de conscience. Eric Emmanuel Schmitt rend la femme importante. En effet, car ici, Tazio ouvre les yeux sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il est devenu grâce à Fiona. Cela valait-il vraiment le coup finalement?
Il y a petit quelque chose qui ne m'a pas plu, c'est que l'auteur nous décrit pas beaucoup l'oeuvre. Comment est-il? Est-il humain? A quoi il ressemble? Les descriptions peuvent être importantes sur certaines choses. Là, j'étais dans le flou. L'auteur a peut-être voulu laisser planer un mystère mais c'est un point que je regrette. Mais c'est minimum comparé à tout le reste car j'ai adoré. J'ai apprécié les personnages et l'ambiance. Je le recommande.
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Jusqu'où peut-on aller au nom de l'art ? C'est la question que pose Éric-Emmanuel Schmitt dans ce court roman qui, sans prétendre au chef-d'oeuvre, fustige une certaine forme d'art contemporain et la superficialité ambiante.

Zeus-Peter Lama, peintre et sculpteur aussi riche que prétentieux, détourne du suicide un jeune homme persuadé d'avoir raté sa vie. Son élan n'a rien d'altruiste : il convainc son protégé de devenir une sculpture vivante. Et quelques coups de bistouri plus tard, le garçon sans attrait devient "Adam bis", une créature monstrueuse qui fascine le monde de l'art...

"Lorsque j'étais une oeuvre d'art" est un récit excentrique et dérangeant, qui appelle nécessairement une lecture rapide, tant on veut en finir. Pour connaître l'issue de ce conte moderne, bien sûr, mais aussi pour sortir de ce cauchemar. Cauchemar d'autant plus horrible que l'auteur prend bien garde de décrire la transformation physique du narrateur : à chacun d'imaginer le pire.

Comparé à mes autres lectures d'Eric-Emmanuel Schmitt, ce roman m'a déçue par son écriture moins travaillée. On dirait presque une nouvelle, avec une mise en situation rapide, des symboles faciles (Zeus le dieu crée un nouvel homme qu'il appelle Adam...) et des personnages caricaturaux : l'artiste contemporain vaniteux, l'agent artistique méprisant et drogué, les mannequins et groupies sans cervelle... etc. J'ai même eu la vilaine impression que l'auteur se rapprochait de sa compatriote Amélie, dont je goûte de moins en moins les histoires courtes et emberlificotées. À commencer par le nom farfelu des personnages, comme Zeus-Peter Lama ou Carlos Hannibal...

Sur le fond, la réflexion est intéressante, car la mésaventure d'Adam bis montre le côté vain et cruel de notre "société du spectacle" qui privilégie les apparences au détriment de l'humain. L'auteur définit trois niveaux d'existence : le corps, la conscience et le discours ; le troisième dominant les deux autres car « nous sommes ce dont les autres parlent ». Bien que datant de 2002, cette conception préfigure l'avènement de réseaux sociaux bien connus (cui-cui ?). Or ne faut-il pas s'alarmer lorsque, systématiquement et instantanément, l'opinion répandue sur une personne ou un événement prend le pas sur la réalité de son sujet ? Ce livre nous aide à regarder au-delà des apparences.
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J'ai lu ce roman avec une certaine appréhension, car une artiste plasticienne contemporaine m'avait avoué avoir été très déçue par cette oeuvre. Contrairement à elle, j'ai beaucoup aimé ce livre. Je le trouve très original, plaisant à lire, agréablement écrit. Ce que j'apprécie surtout c'est le regard critique et sans concession que porte Eric-Emmanuel Schmitt sur les artistes spécialisés en art contemporain, qui sont parfois plus hommes d'affaires qu'artistes et prêts à inventer ou recopier n'importe quel concept pour faire monter les enchères, sans le moindre respect pour l'Art ni le public. L'auteur nous offre ici une satire du système et une critique sans équivoque de personnes sans scrupules ni talents mais qui sont opportunistes et savent utiliser les travers d'un milieu qui se veut avant-gardiste.
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Magnifique découverte!
Lorsque j'étais une oeuvre d'art est un roman surprenant et bouleversant ! Il interroge la nature humaine du fond de son âme où la satisfaction est une quête presque indéfinie, voire infinie car l'âme humaine a toujours soif, et soif, encore soif...soif de quoi...c'est là la vraie confusion...
Entre un jeune de vingt ans dont la vie semble un véritable supplice, et que la seule solution serait de mettre fin à sa vie mais à chaque fois, ça n'a été qu'un échec, et un vieux peintre richissime dont la soif de la gloire atteint presque le sommet de la folie, Eric-Emmanuel Schmitt nous concocte une intrigue qui accroche dès les premières phrases, les premières pages, où les interrogations philosophiques sur la loi du plus fort nous fait défiler les pages d'une seule traite…
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« Le roman Lorsque j'étais une oeuvre d'art d'Eric-Emmanuel Schmitt propose une réflexion sur l'importance donnée à l'apparence physique au détriment de la beauté intérieure.

Qu'est-ce que l'art ? Éric-Emmanuel Schmitt se pose la question dans cet ouvrage qui s'inscrit en plein dans notre époque par une réflexion candide sur le pouvoir de l'image et des objets. »
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Alors qu'un jeune homme s'apprête à se suicider pour la énième fois du haut de la falaise de Palomba Sol, une voix résonne derrière lui : « Donnez-moi vingt-quatre heures ».

Frère des célèbres jumeaux Pirelli, adulés pour leur beauté extraordinaire, le jeune Tazio n'a malheureusement pas hérité de leur charisme, pire il incarne la nullité dans toute sa splendeur. du moins le croit-il. Fade, amorphe, vide et déprimé, tel est son portrait.
Un portrait que son « bienfaiteur » voudrait transformer en oeuvre d'art.
Zeus-Peter Lama, un riche peintre-sculpteur déjanté, réputé pour ses coups d'éclat médiatiques, n'en est pas à son coup d'essai.
En totale confiance et après avoir orchestré sa propre mort, Tazio accepte de devenir une sculpture vivante, abandonnant de facto son humanité. Adam bis est né, désormais adulé et médiatisé dans le monde entier.

Adam a l'impression de renaître mais une rencontre avec un peintre et sa fille sur la plage lui ouvre les yeux. Hannibal, un artiste aveugle mais qui peint l'invisible avec talent et le voit avec les yeux du coeur. Et que dire de sa fille, la merveilleuse Fiona pour qui il éprouve rapidement une passion amoureuse.

Le doute s'insinue peu à peu dans l'esprit d'Adam. Son bienfaiteur ne serait-il qu'un manipulateur dénué de scrupules, uniquement intéressé par la gloire ?
Adam est-il devenu un vulgaire objet qu'on peut vendre et acheter à souhait ?
Et dire qu'il croyait n'avoir rien à perdre, le jeune homme découvre qu'il a perdu une chose essentielle : sa liberté, sacrifiée sur l'autel des vanités de son créateur. Pour recommencer à exister, il lui faudra prouver sa condition d'être humain, un comble.

Eric-Emmanuel Schmitt réussit un véritable tour de force dans cet opus qui se veut à la fois cruel et dérangeant mais également original et interpellant. Une écriture acide sur la condition humaine, sur le culte de l'apparence si présent dans notre société qui peut pousser à des extrémités. On ne connaîtra jamais l'apparence d'Adam bis mais on devine aisément sa monstruosité. Une belle façon de rappeler que « l'essentiel est invisible pour les yeux ».
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Lorsque j'étais une oeuvre d'art est un conte moderne avec une morale et des idées philosophiques ainsi qu'une histoire que l'on peut qualifier d'absurde ou de "néo-absurde". En effet, on retrouve un jeune garçon de 20 ans voulant à tout prix mettre fin à ses jours sauf que malheureusement pour lui, le peintre de renommé mondial, Zeus-Peter Lama ( Quel étrange nom me diriez-vous! Mais cela ne fait qu'apporté un soupçon d'absurdité à cet ouvrage, bien évidemment.), lui fait un abominable lavage de cerveau par sa manipulation. le jeune garçon devient alors l'oeuvre d'un monstre assoiffé de succès et d'argent.

Cette histoire m'a fait un peu penser à un conte de Voltaire mais en un peu plus moderne et futuriste. Cet écrit, agréable à lire, m'a rendu dans tout mes états: la gène, la pitié, la colère, la déception et j'en passe...Mais pour tout vous dire, je ne me suis pas ennuyé du tout en lisant ce livre, je l'ai lu très vite et j'ai beaucoup apprécié. Cela ne fait que le troisième écrit que je lis de Schmitt mais c'est celui que j'ai le plus apprécié!
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Quel drôle de questionnement ?
Se considérer comme un objet à admirer ou à détester!..ah ! les canons de la beauté ! la dictature de l'esthétique ...le regard des autres....l'idée de ce roman est originale, traitée avec humour,
puis effectivement au fur et à mesure de ma lecture des"extrapolations"amusantes m'ont rattrapé : si la Joconde parlait ? Que dirai-t -elle de cette "peopolerie" de tous ces selfies et photos de toutes sortes ? de cet engouement pour les "Tournesols" de van Gogh , les couchers de soleil de Monet.......
et quand vous vous retrouvez dans un musée, ce roman résonne à vos oreilles.... roman d'une lecture très plaisante.
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