Enfin, moi qui avais une raison d’être, je n’ai plus la force d’exister…
Mais lorsque vous êtes à la merci des plus inhumains, tout est possible.
Dans cette vague de désordre, mon corps déformé et atrophié laisse apparaître le visage de la grande faucheuse qui m’arrache à la vie, le vaisseau dépravé qu’est mon corps sombre dans l’océan ténébreux, après avoir, depuis presque un an, affronté de monstrueuses tempêtes qui auront eu raison de lui.
Je ne me sens plus humain, j’ai l’impression qu’à leurs yeux, je ne suis plus qu’un dossier.
Le vide se fait donc indubitablement autour de nous, car nous ne rentrons pas dans la case bien précise d’une maladie nommée, reconnue et soignée.
La suspicion gagne alors les esprits de nos proches avec lesquels nous avons, pour certains, grandi. La difficulté de notre situation fait fuir.
Parfois, lorsque Yannick réussit à s’endormir, un peu soulagé, je le regarde et je me dis que c’est le seul moment où il ne souffre pas, où la vie lui est plus douce.
On se croirait dans le décor sombre d’une pièce de théâtre où tout le monde, entre espoir et peur, se cache derrière un masque.
Une tragédie où tout est inévitable et où rien n’est de notre ressort.
Pourquoi ne me croit-on pas quand je dis que j’ai mal ?
Je n’ai quand même pas à m’excuser que ma santé se soit aggravée, contrairement à ce qu’avaient prévu les médecins la dernière fois ?!
Je me mets à pleurer, avec en même temps un tas de questions qui me viennent : pourquoi est-ce tombé sur moi ?