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Critique de rotko


Pour connaître Bruxelles, il faut lire et regarder Brüsel [Casterman]. Et ainsi mieux connaître et comprendre Schuiten et Peeters, dont les Cités obscures présentent souvent une architecture et un urbanisme, poussées jusqu‘au décor fantastique.

La préface fournit les données objectives : le « voûtement de la Senne », opération monstrueuse pour cacher l'insalubre, au nom du Progrès et de l'Hygiène Publique. Les Gares et leurs réseaux qui traversent et transpercent la Cité. La¨Maison du Peuple qui n'a rien à envier aux bâtiments de l'Est, etc..

Travaux pharaoniques, inutiles, hypocrites et dispendieux, minés par la corruption et les scandales. C'est la face souterraine (au même titre que les réseaux souterrains, ferrés et autres, dans la ville) de la dimension mégalomaniaque d'une ville type Léopold II, hantée par un Congo plus grand qu'elle veut dévorer. Urbanisme délirant et expansionnisme forcené vont de pair.

Le point de départ de cet album vertigineux : un modeste inventeur de fleurs artificielles, animé à son échelle d'un plan déraisonnable, remplacer le végétal par du plastique. Il rencontre plus ou moins par hasard, d'autres inventeurs délirants qui, veulent créer une Cité gigantesque, à la mesure de leurs délires.

Tout dans cet album repose sur le thème du modernisme et de l'urbanisation galopante : expulsion des habitants, destruction des habitats traditionnels, pour le bénéfice des promoteurs et des politiciens qui leur servent les plats. Contre eux des groupes occultes se révoltent et pratiquent agitation et sabotage.

Les vues aériennes sont symptomatiques des ambitions et des appétits démesurés, et sur le terrain, les discours officiels, au nom du progrès et du bien-être de la population, développent de risibles langues de bois auxquelles nos oreilles sont trop souvent habituées et résignées. Pourtant les dérèglements quotidiens nombreux, soulignés dans l'album, mettent les habitants dans des situations cocasses à forte coloration comique et satirique.

En fait, sans réhabiliter le passé, les auteurs Schuiten et Peeters contestent le présent, et l'illustrent par les divers registres de la maladie : toux constante du « fleuriste », sans doute atteint de tuberculose, mais aussi des ambitions médicales affichées, avec des hôpitaux dispendieux et inefficaces sans souci du patient et de sa santé. le corps social est gangrené par un modernisme à tout crin, et les dirigeants - financiers et Cie, en proie à des maladie mentales liées à la démesure de projets de longue durée et qui n'aboutissent pas.

Au final, un album très intéressant qui ajoute au plaisir de lire et d'apprécier les vignettes, une réflexion pertinente sur les lieux, leur évolution, et leur traitement architectural et urbain.
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