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Critique de Lazlo23


On a peine à croire, en lisant ce superbe roman péruvien, que les héros dont il y est question aient vraiment existé. Et pourtant, Manuel Scorza (1928-1983) n'a rien inventé. « Ce livre, déclare-t-il en introduction, est la chronique désespérément vraie d'un combat solitaire : celui que livrèrent dans les Andes centrales, entre 1950 et 1962, les habitants de quelques villages visibles seulement sur les cartes d'état-major des troupes qui les rasèrent. Les acteurs, les crimes, la trahison et la grandeur y ont presque toujours leur nom véritable. »
Lutte inégale bien sûr, que celle qui oppose cette poignée d'Indiens déguenillés à la « Cerro de Pasco Corporation », puissante compagnie minière américaine qui a décidé de les chasser de leurs terres : le symbole de cette expropriation est une immense clôture qui ne cesse de croître, coupant progressivement les voies de communication et privant les communautés indiennes de leurs pâturages. On s'en doute, tout cela ne saurait se faire sans le concours des autorités, sous-préfets, magistrats et officiers venus de Lima, pour lesquels le mépris envers les Indiens des hauts plateaux « est devenu une seconde-nature. »
Pour rendre le livre plus haletant encore, cette lutte collective se double du combat singulier entre deux hommes, un paysan misérable, nommé Hector Chacón, et le juge Montenegro, propriétaire d'une immense hacienda, qui se sert de sa position pour agrandir ses terres au détriment de ses voisins...
Un roman réaliste donc, mais qui n'hésite pas, comme « Cent ans de solitude », ou « Pedro Páramo», à faire appel au mythe, à la magie et au fantastique. C'est ainsi que certains personnages sont dotés de pouvoirs surnaturels, comme Hector Chacón le Nyctalope, « capable de suivre la course d'un lézard par une nuit sans lune » ou bien encore el Abigeo, qui communique avec les animaux. Quant à la funeste clôture, elle semble animée d'une vie propre : au fil des pages, on la voit prendre des proportions monstrueuses, sans l'aide d'aucun ouvrier.
Tout cela est traversé de grands éclats de rire et raconté de manière savoureuse et imagée, dans une langue qui n'est pas sans évoquer celle de « Don Quichotte. »
Un très grand moment de lecture.
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