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Critique de MicheleP


Un livre magnifique et dérangeant. Sur fond de djihad, d'intégrisme ambigu, de séductions et de déceptions, de violence et de mort, douze nouvelles racontent l'insoutenable.
Je pensais, sur la foi de la quatrième de couverture, que ce recueil ne traitait que de fugues en Orient, mais en fait il s'organise en deux versants.
Dans le premier, introduit par une prédication enflammée contre les odalisques de Delacroix (les Femmes d'Alger), appel exalté au meurtre et à la destruction de l'oeuvre, dénonciation hystérique de l'art, du bonheur et de la femme, six nouvelles se placent effectivement du côté de ceux (et plus souvent celles) qui sont séduits par l'appel, et donc plutôt dans le monde occidental. Sur un thème sulfureux, l'engagement de toute une jeunesse pour le djihad, ce sont des récits tout en tendresse. Une tendresse à la Sebbar, bien sûr, bourrue, incisive, comme le style de ces textes, avec des phrases elliptique et des conclusions évasives, mais une immense tendresse pour ces filles brillantes, rêveuses, malheureuse, engagées, folles, bernées ou pour ces humbles mères aimantes et dépassées (j'aime particulièrement celle de « Les jumelles, bergères savantes et folles »).
Puis, après l'histoire d'une jeune femme muette, séquestrée en elle-même, qui se libère pendant le « printemps » de Tunis, le regard se déplace vers l'Orient et les quatre dernières nouvelles ne parlent plus du sacrifice romanesque de cette jeunesse enflammée, mais, avec une écriture plus souple, plus foisonnante, de la réalité de ces terres tragiques, de la fuite des chrétiens, guidés par des prêtres aussi intransigeants (ou presque) que ceux d'en face, des enfants sans mère, bâtards de chefs de guerre qui se baptisent émirs, des guerrières kurdes, des poètes assassinés, des jeunes prisonnière sous leurs voiles noirs, « esclaves sans nom, sans famille, sans maison, pas d'ancêtres, pas de descendants, des bêtes qui avaient la forme de femmes avec ce qu'il fallait pour le plaisir des guerriers, chaque soir, chaque nuit et plusieurs fois jusqu'à l'aube » et de Palmyre, champ de ruine. A mes yeux, le récit le plus emblématique, dans cette seconde partie, est celui du simple désespoir de « L'homme qui pleure » d'avoir dû s'enfuir en abandonnant sa vieille mère, trop âgée pour supporter le voyage : « Ma mère, je l'ai tuée ».
Sous la tendresse, une dénonciation de silex. Ne rêvez pas, jeunes filles, l'Orient est vraiment rouge, rouge sang.

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