FRAGMENT
Errant ici autour du seuil, en vain j'invoque la pluie et la tempête pour retenir ma bien-aimée en mon séjour.
Cependant le vent mugissait dans la forêt, et le tonnerre éclatait çà et là parmi les nuages, avant que l'aurore reparût au ciel.
O chères nuées, ô ciel, ô terre, ô plantes ! ma dame part.
Ah ! pitié, si un malheureux amant peut trouver pitié en ce monde.
O tourbillon, éveille-toi maintenant. O nuées, essayez donc de m'engloutir, jusqu'au moment où le soleil ramène le jour en d'autres terres.
Le ciel s'ouvre, le vent tombe, et de toutes parts l'herbe et les feuilles deviennent immobiles, et un soleil éclatant éblouit mes yeux pleins de larmes.
(1817)
J'ai renoncé à tous les plaisirs des jeunes gens. Dès l'âge de dix ans, j'ai employé ma vie à méditer, à écrire, à étudier. Non seulement je n'ai jamais pris une heure de récréation; dans mes études je n'ai jamais demandé ni obtenu d'autres secours que ma patience et mon propre travail. Tout le fruit que j'ai retiré de mes fatigues a été d'être méprisé d'une manière extraordinaire pour un homme de mon rang, surtout dans un petit pays. Après que tous m'eurent abandonné, il plut à ma santé de s'en aller aussi Ayant commencé de penser, de souffrir dès mon enfance, j'ai accompli à vingt et un ans le cours d'une longue vie de malheurs, et je suis moralement vieux ou plutôt décrépit... Il est temps de mourir; il est temps de céder à la fortune, — la plus cruelle des résignations pour un jeune homme qui se sent à l'âge des belles espérances, mais le seul plaisir qui reste à celui qui, après de longs efforts, s'aperçoit qu'il est né sous un destin maudit.