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Critique de casscrouton


Extermination des cloportes est un roman formidable !

Nous rencontrons Don Dechine et Betty Dechine, mari et femme qui paraissent tout à fait banals au premier abord et qui paradoxalement sortent de l'ordinaire. Don Dechine n'a qu'un but dans la vie : écrire un best seller, Betty quand à elle doit rédiger une thèse. Tous deux sont la motivation incarnée mais lorsqu'il s'agit de véritablement se mettre au travail, c'est une autre histoire… Comprenez, il y a l'intégrale des Soprano à regarder, du thé à préparer, une bonne tarte à cuisiner… Et puis surtout, il y a l'environnement à changer, Don Dechine recherche la nature et encore plus important, l'écrivain en devenir à un problème, il a un cloporte dans l'oeil…!

Ce roman est exceptionnel ! C'est bien simple : j'ai tout aimé !

J'ai adoré le choix de la narration à la première personne, du point de vue (totalement tordu) de Don et le ton caustique utilisé. Nous sommes immergés dans l'esprit complètement truculent de Don qui a l'air de sortir tout droit d'une autre dimension. On décèle assez rapidement chez lui un narcissisme et une confiance à toute épreuve, qui surplombent la vérité et bravent l'évidence. Son jugement est on ne peut plus biaisé, il est en proie à une véritable distorsion de la réalité mais c'est un vrai régal de suivre le fil de sa pensée. Pour résumé le personnage de Don Dechine, je dirais qu'il est complètement à l'ouest. Il voit le mal partout quand il n'y en a pas et paradoxalement, il n'arrive pas à repérer l'escroquerie quand elle se présente devant lui.

Cette altération du jugement est visible à plusieurs reprises, provoquant des situations très cocasses qui engendrent un rire, parfois franc et d'autres fois jaune. Je pense notamment à quelques événements liés à un plombier urgentiste dont émane un sentiment d'arnaque à trente kilomètres ou un agent immobilier qui semble avoir tout appris du métier au sein de la mafia sicilienne etc… Ce sont des situations que Don nous décrit clairement, en prenant soin d'exprimer ses doutes, ses impressions négatives et qui forcément, induisent chez le lecteur la compréhension d'une escroquerie évidente mais que Don n'arrive pas à appliquer à lui-même. Cela confère un sentiment ambivalent chez le lecteur qui rit du personnage autant qu'il s'irrite de le voir autant à côté de la plaque alors que toutes ses impressions sont bonnes.

J'ai également apprécié le personnage de Betty, sa femme, que l'on a un peu du mal à appréhender. Elle nous parait toute ingénue, auréolée d'innocence et de naïveté de telle sorte qu'elle nous charme autant qu'elle nous agace. On a envie de la protéger mais on a également envie de la secouer pour qu'elle réalise que Don maîtrise autant chaque événement qu'il est un écrivain prolifique. Curieusement, on a aussi la sensation que Betty n'est pas si innocente qu'il n'y parait puisqu'à plusieurs reprises, on constate quelques dons de manipulation à l'encontre de Don. Elle use et abuse de la psychologie inversée à son égard, elle semble parfois dire certaines choses qu'elle ne pense pas dans l'objectif ultime de voir Don faire l'inverse, et donc lui donner raison au final. Betty est un personnage complexe, extrêmement intéressant à observer par l'intermédiaire du regard que Don porte sur elle.

L'alliance des deux personnages est savoureuse. Ce sont les rois de la procrastination, bien qu'ils ne l'avoueraient pour rien au monde. Les deux ont un objectif simple : l'une doit rédiger sa thèse, l'autre un roman. Ils s'échinent à mettre en place des plans pour optimiser chaque minute de leur vie de couple afin de se mettre au travail mais trouvent toujours quelque chose de plus important dans l'immédiat à faire. Qu'il s'agisse de leur série phare Les sopranos (un épisode en entraînant un autre), une patisserie à réaliser, un thé à faire infuser à la perfection, une maison introuvable en pleine nature à rechercher, tout est bon pour repousser leurs projets respectifs. La manière dont l'auteur rend compte de cette procrastination est vraiment hilarante, puisque l'on suit les pérégrinations mentales de Don qui aboutissent à chaque excuse permettant de repousser l'objectif. C'est un vrai régal !

Si tout le roman repose sur un humour par moments léger, à d'autres caustiques, un drame se profile en filigrane tout au long du récit, par la maladie de Fuchs, qui touche Don du jour au lendemain. Cette maladie est traitée avec humour, incarnée par ce fameux cloporte qui prolifère chaque jour un peu plus, mais n'en reste pas moins tragique dans la manière qu'à Don de nier l'évidence.

En définitive, Extermination des cloportes est un roman exceptionnel que j'ai pris grand plaisir à découvrir ! Je ne connaissais pas l'auteur mais je suis désormais certaine que je lirais ses autres ouvrages quand l'occasion se présentera. C'est un vrai bonheur !
Lien : http://www.casscrouton.fr/ex..
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