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Critique de Seijoliver


Toyotomi Hideyoshi est une figure historique du Japon du XVI° siècle, et c'est lui le sujet de ce roman fort agréable à lire.

Charles-Pierre Serain est un spécialiste du Japon médiéval et de ses guerriers. C'est d'ailleurs l'une des réussites du roman que d'intégrer sans lourdeur ou surenchère cette érudition (vocabulaire des samouraïs ou des codes de la cour). le livre est donc rempli de samouraïs, de châteaux à conquérir, de scènes de batailles, mais... mais, il n'est pas que çà, car l'auteur sait alterner les scènes guerrières, les scènes intimes ou politiques, et nous permettre ainsi de croiser de nombreux personnages (dont quelques femmes dans cet univers d'hommes, une épouse, une concubine), d'être dans l'intimité d'un couple, avec un état-major lors d'une bataille, avec un seigneur et ses vassaux… soit différents angles pour saisir un personnage dont il fait le portrait.

Second volet d'une trilogie consacrée aux unificateurs du Japon, à la charnière des XVI° et XVII° siècles, Toyotomi Hideyoshi, a pour sujet, un personnage historique (1537-1598), simple soldat, venu d'un milieu très humble, qui gravira les échelons jusqu'à devenir général puis, kanpaku pour régner sur le Japon. Hideyoshi est l'une des figures légendaires de l'histoire japonaise et de nombreux ouvrages lui ont été consacré. D'ailleurs, de son vivant, Hideyoshi fit rédiger sa propre histoire, construisant ainsi sa propre légende.
De part ses origines modestes, Hideyoshi ne pouvait prétendre au titre de shôgun, mais qu'importe ce titre, celui de kanpaku autrement dit « régent », lui fut bien donné par l'empereur et lui permettra d'exercer dans les faits le pouvoir.
La période où Charles-Pierre Serain inscrit son histoire est une période de guerres quasi constantes, sorte de guerre de cent ans japonaise, où les seigneurs se font la guerre… parce qu'ils ne semblent pas savoir quoi faire d'autre ! Cette période se terminera par la prise de pouvoir de Tokugawa Ieyasu et ouvrira la période dite d'Edo qui court jusqu'en 1868. C'est dire son importance. Mais c'est une autre histoire, celle de Tokugawa, que l'auteur a prévu d'écrire pour conclure cette trilogie.

Ce roman biographique a pour sous-titre, le rêve du Singe.
Hideyoshi qui ne s'appelle encore à l'époque que Tokichirô, est un homme au physique ingrat, petit, au visage laid mais en même temps si drôle, que le seigneur Oda Nobunaga (à qui est consacré le premier volet de la trilogie) qui le prend à son service en 1557, lui donnera ce surnom de Singe. le livre s'ouvre sur leur rencontre où l'on voit déjà à l'oeuvre la malice et l'intelligence de ce petit homme au sourire désarmant, au ton direct.
Charles-Pierre Serain fait le portrait d'un homme tout dévoué à son maître (jusqu'à la mort de ce dernier) et à sa tâche. C'est un personnage hors du commun : culotté, drôle et inattendu, sachant gagner le coeur de ses soldats et de ses serviteurs parce qu'il les respecte : « Comme à son habitude, Tokichirô, qui aurait pu punir les ouvriers pour leur erreur, avait au contraire choisi de les féliciter pour leur travail, passant sous silence toute critique. le sourire qui apparut sur les visages de tous ces hommes sales et fatigués montrait leur reconnaissance envers un chef qui ne les menaçait pas. » D'origine modeste, il n'est pas hautain comme le sont tous les samouraïs issus de la noblesse. Son intelligence fait de lui un stratège militaire, mais surtout un fin politique, ayant toujours plusieurs coups d'avance : « … la meilleure protection contre les humeurs de son maître n'était pas la défensive, mais l'offensive en mêlant, comme il le faisait lui-même, un peu de provocation et pas mal d'humour. Akechi venait d'une ligne de guerriers à l'éducation assez formelle, alors que lui venait du monde paysan où la ruse était nécessaire pour survivre. » C'est aussi un homme sensible touché par la mort des hommes qui l'entoure.

Le rêve, c'est celui d'un Japon unifié où la paix enfin régnerait. En 1582, quand son maître est assassiné, Hideyoshi décide de continuer le rêve de ce dernier et de consacrer son énergie à l'unification du pays. Cette tâche est quasi obsessionnelle : « Le principal ennemi de notre maître, c'est le temps. Il vieillit et il comprend que les années lui sont comptées pour accomplir son deuxième rêve, comme il le dit lui-même. » Car il veut que cette unification soit pérenne. D'où la conquête de la Corée qu'il organise pour « occuper » les guerriers ; d'où son désir de paternité pour assurer sa succession. Y parviendra-t-il ?

« Le pouvoir est maudit » écrira trois siècles plus tard Louise Michel.
Hideyoshi venge la mort de son maître Nobunaga, puis devient quelques mois plus tard l'homme fort du Japon. Mais ce pouvoir va le changer, et Charles-Pierre Serain le décrit bien : l'obsession d'avoir un héritier, la crainte de voir son rêve disparaître, la sénilité le transforment. Il devient colérique, cruel, émotionnellement de plus en plus faible comme si depuis qu'il était devenu kanpaku, plus rien ne semble aller comme il le souhaite… : « … il se rendit compte qu'il avait définitivement perdu cette légendaire aptitude politique qui l'avait mené jusqu'à la tête du pays. Avec l'âge, ses émotions prenaient dorénavant le pas sur ses raisonnements, et il s'apercevait qu'il commençait à se comporter comme un vieillard capricieux. »

Autre point fort du livre, il y a autour d'Hideyoshi des personnages secondaires, notamment son épouse, Néné, à qui il sera attaché jusqu'au bout, femme brillante et déterminée ; ou son conseiller, Mitsunari ; ses frères d'armes. Mais on croisera aussi d'autres figures historiques, Sen no Rikyū, maître de thé ; Luis Frois, prêtre jésuite (Hideyoshi est le premier à combattre le christianisme au Japon).

Ce roman biographique est très intéressant à lire pour celles et ceux qui s'intéressent à l'histoire du Japon, tout comme celles et ceux qui s'intéressent aux hommes d'exception conquérant le pouvoir.
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