Citations sur La Liberté guidant le peuple : Eugène Delacroix (13)
la rapidité d'exécution de la liberté guidant le peuple ne doit pas pour autant faire croire que l'œuvre fut composée sans recul par un artiste travaillant dans la fièvre et de manière instinctive. bien au contraire, nous connaissons de nombreuses esquisses préliminaires à l'exécution définitive du tableau qui prouvent que Delacroix en avait longuement préparé aussi bien la mise en scène générale que chaque détail .
au moment des trois glorieuses, Delacroix vient d'avoir trente deux ans. Depuis la mort de Theodore Géricault en 1824, il fait figure, plus ou moins à son corps défendant, de chef de file de la jeune génération des peintres romantiques, bien décidée à briser le joug de la tradition "académique".
l'étrange poésie du tableau tient à l'enchevêtrement de réalisme direct et de conventions repensées , de réalité sanglante, morbide, et d'idéal puisque la Liberté, invisible aux combattants, personnifie au cœur de l'assaut ce qui arme leur bras.
ainsi idéalisée et intangible, cette liberté demeure pourtant tout à la fois profondément humaine, charnelle et réelle, pierre angulaire d'une composition faire de verticales ascendantes, rythmée par les correspondances subtiles des bleus, des blancs, des rouges et des roses vifs qui donnent à l'harmonie générale, volontairement assourdie, une vibration particulière.
a vrai dire persister à vouloir identifier chaque figure apparaît tellement comme un contresens, eu égard aux motivations esthétiques de Delacroix: "...les acteurs de la liberté doivent demeurer anonymes" a raison de souligner Hélène Toussaint.
l'idée de mêler une allégorie éternelle à une scène réaliste par essence, puisque contemporaine, impliquait en effet une maitrise complète de l'art de ses maitres qui l'avaient précédé, tout autant que dans celui de ses collègues engagés dans son siècle.
la liberté guidant le peuple peut donc etre considérée - et le fut par la plupart des critiques et historiens d'art - comme une œuvre engagée et novatrice, enracinée dans les préoccupations révolutionnaires et romantiques des jeunes artistes de cette époque troublée de 1830: l'émotion populaire, le drame individuel, la description réalise d'un évènement contemporain, l'héroïsme féminin, les légendes du Moyen Age, etc.
compte tenu de ses engagements personnels et de ses conceptions esthétiques, il apparaît incontestable en effet qu'il a d être à cette époque animé du désir de faire partager à ses contemporain son enthousiasme pour la page d'histoire qui venait de s'écrire devant lui, durant l'été 1830.
sa participation à la révolution des trois glorieuses fut très lointaine, plutôt une observation des évènements, au mieux come un simple témoin, au pire comme un opposant farouche à ses convulsions populaires.
au reste, comme le constatais Dumas, le peintre avait toujours été "l'homme le moins partisan des révolutions que j'ai jamais connu". Il n'avait donc aucune raison politique ni aucun penchant personnel pour devoir se ranger aux coté des insurgés de juillet 1830.