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Critique de Unvola


Robert Service enseignant à l'université d'Oxford, publie en France le deuxième tome d'une trilogie. le premier tome, « Trotski », fut édité en France en 2011 ; et celui-ci fut publié en 2000 en Grande-Bretagne et seulement cette année, en 2012 en France ; en attendant donc le troisième volume consacré à Staline.
Pour cette trilogie, Robert Service a largement pu utiliser les Archives de Moscou. En effet, par une chance extraordinaire, alors qu'il réalisait un ouvrage sur la politique Léniniste, il se trouvait à Moscou en 1991 après l'échec du Putsch contre Gorbatchev, au moment de l'effondrement de l'U.R.S.S. qui a permis l'ouverture partielle et momentanée des Archives Centrales du Parti d'Union Soviétique. Hormis le célèbre Testament de Lénine (connu depuis longtemps maintenant), on découvre des lettres : de sa mère, de ses soeurs, de sa femme, de sa maîtresse, etc., ainsi que des documents d'époque : les minutes du Politburo, du Comité Central, des Conférences et des Congrès, ainsi que des télégrammes et ordres écrits de Lénine, etc..

Dans une Russie extrêmement pauvre de la fin du 19ème siècle, soumise à des siècles d'autocratie Tsariste (remontant même bien avant les 300 années d'impérialisme de la famille des Romanov), à partir des années 1880, le Marxisme devint l'idéologie dominante en Russie. Ce Marxisme Révolutionnaire s'en prenait politiquement et par une foultitude d'actes Terroristes à la Monarchie Tsariste des Romanov. Lénine faisant partie de ces opposants Révolutionnaires au régime, complotait en attendant le moment opportun qui, espérait-il, lui permettrait à lui et à son Parti Bolchevique (Communiste), un jour, de renverser le Tsar et de prendre le Pouvoir en Russie. Dès cette époque, il était évident, pour lui, qu'une Révolution n'était viable, à terme, que si elle se développait à l'échelle Européenne puis mondiale, balayant ainsi définitivement le système Capitaliste de la surface de la planète ! Il n'y parvint pas totalement, mais tragiquement, presque, car il fut à l'origine de la création puis de la propagation du Totalitarisme Communiste, aux quatre coins de la planète…
Mais reprenons le cours des évènements dans leur ordre chronologique…

En 1861 donc, dans une Russie encore arriérée par rapport au reste de l'Europe Occidentale, le Tsar Alexandre II finit par abolir l'esclavage et lança une réforme sur l'administration des provinces avec l'institution de zemstva : des assemblées locales élues et responsables de l'instruction publique, des routes ainsi que de la construction d'hôpitaux et de dispensaires.

Vladimir Ilitch Oulianov (nommé plus tard, entre autres pseudonymes, Lénine) naquit le 10 avril 1870 dans la petite ville de Simbirsk située au bord du fleuve de la Volga, dans le sud-est de la Russie.
Le père de Vladimir Ilitch, Ilia Nikolaïevitch, était inspecteur des écoles publiques dans cette même province. Contrairement aux dires des nombreuses hagiographies concernant la vie de Lénine, ce dernier n'a jamais été pauvre puisqu'en réalité sa famille faisait partie de la classe moyenne Russe. D'ailleurs, les parents de Vladimir Ilitch soutenaient les réformes mises en oeuvre par la Tsar Alexandre II. de même qu'ils tentaient de dissuader leurs enfants de se laisser séduire par les idées Révolutionnaires ; et le sujet de la politique était tabou à la maison.
Petit, Vladimir Ilitch était bruyant, brise-fer, mais savait également se montrer attachant. Il admirait son grand frère Alexandre. Mais en grandissant son caractère devint plutôt asocial avec ses frères et soeurs. Il était en revanche un élève brillant.
À la mort de son père, le 11 janvier 1886, Vladimir Ilitch n'ayant plus de figure paternelle pour le limiter dans son comportement souvent excessif, devint exécrable. Son chagrin le fit se renfermer sur lui-même. À cette époque, les catastrophes familiales s'accumulèrent, car, malgré que son grand frère Alexandre menait de brillantes études Universitaires, jugeant impossible une évolution pacifique et progressive de la société Russe, Alexandre bascula dans le Terrorisme Révolutionnaire. Il participa alors à rien de moins, que la préparation d'un attentat contre le Tsar Alexandre III (fils d'Alexandre II), le 1er mars 1887. Mais il fut arrêté avant par la police Tsariste : l'Okhrana. Il endossa alors l'entière responsabilité de cette tentative d'attentat et fut condamné à mort et pendu avec ses complices, le 8 mai 1887.
La mort de son frère aîné contribua certainement, grandement, à ce que Vladimir Ilitch voua une haine indéfectible à l'encontre du Tsar. Mais beaucoup plus étrange est le fait qu'il en voulût également à toute la famille des Romanov (nous verrons que leur fin de vie fut effroyable !), et radicalisa toujours davantage son militantisme Révolutionnaire. La famille Oulianov fut alors reléguée au rang de paria par les autorités Tsaristes.
Malgré ces drames familiaux, la famille Oulianov resta digne et Vladimir Ilitch sortit même premier de sa promotion. Il se lança à corps perdu dans les lectures Révolutionnaires, à commencer par le célèbre roman « Que Faire ? » du Révolutionnaire Nikolaï Tchernychevski. D'ailleurs, tellement inspiré par cet auteur, en 1902, Lénine intitulera son propre opuscule, également…, « Que Faire ? ».
Après avoir engendré des troubles avec 38 autres étudiants, il fut exclu de l'Université de Kazan, le 6 décembre 1887.
Suite à de mauvaises récoltes, lors de la grande famine de 1891, Lénine eut déjà un comportement extrêmement dur et indifférent vis-à-vis des victimes : principalement des paysans. Dès cette époque, il semblait clair, pour lui, que l'idéologie relevait d'une importance nettement supérieure…, à la vie humaine. En effet, pour Lénine, la famine jouait le : « rôle d'un facteur de progrès ». Alors qu'il vivait dans la région la plus durement touchée par la famine, la Volga, et qu'il voyait les cadavres s'amonceler dans les rues, Lénine refusa, uniquement par Idéologie, d'apporter son aide aux victimes de cette terrible famine (page 106) :
« Loin de se limiter à son rôle de témoin des horreurs d'une grande famine générale, il y contribuait. La famille tirant ses revenus de leur propriété d'Alakaïevka, dans la province de Samara, il insistait pour que Krouchvitz, le régisseur, lui verse exactement la somme convenue, ce qui revenait à exiger des paysans de payer leur dû, indépendamment des circonstances. »
À cette époque, Lénine vivait des héritages de sa famille et des faibles revenus de son peu d'activité en tant qu'avocat « occasionnel », trop occupé qu'il était à organiser des réunions et des complots Révolutionnaires.
C'est en 1894, lors de l'une de ces réunions entre Révolutionnaires, que Lénine fit la connaissance de sa future épouse : Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa, comme lui, une militante Marxiste. Lénine était déjà marqué par les grandes théories sur la Révolution et la lutte des classes (« ouvrière » / « bourgeoise »). Seul hic ! Il n'avait jamais rencontré d'ouvrier de sa vie. Il vivait comme un rentier de la classe moyenne. Mais peu importait, l'essentiel, pour lui, consistait à appliquer la théorie Marxiste. Point. le spectre de la Terreur de masse utilisée pour appliquer l'Idéologie Communiste était déjà très présent chez Lénine, avant cette fin de 19ème siècle (page 118) :
« le futur Lénine vouait une haine viscérale à toutes les couches de la société qui soutenaient le régime tsariste. Il détestait tous les membres de la famille Romanov, l'aristocratie, le clergé, la police et le haut commandement militaire. Il abominait la classe moyenne commerçante et une autre en pleine expansion, constituée d'industriels et de financiers. Il partageait avec Zaïtchnevski, Tkatchev et Nefediev un véritable empressement à démolir les piliers du régime par le recours à la violence. »
Le 9 décembre 1895, il fut arrêté par la police de l'Okhrana, puis avec les membres du groupe de Révolutionnaires, ils furent condamnés à trois ans d'exil « administratif » dans l'est de la Sibérie, le 29 janvier 1897.
Il se maria donc, en exil, avec Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa, le 10 juillet 1898.
En 1900, Lénine créa son premier journal Révolutionnaire l'Iskra (l'Étincelle) ; et en 1902, il publia son célèbre opuscule : « Que Faire ? ».

À cette époque déjà, Lénine ne cachait pas qu'il n'avait rien d'un démocrate. Il avait des formules radicales comme celle-ci : « Donnez-nous une organisation de révolutionnaires et nous mettrons la Russie sens dessus dessous ! ».
D'ailleurs, il qualifiait les procédures démocratiques de : « hochet inutile et nuisible » (Citation extraite de Que faire ? Lénine, Oeuvres, Marxists Internet Archives, http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/02/19020200z.htm (NdT)).
Très tôt, Lénine tint à cette Idéologie fondamentale, pour lui, et reprise de Marx : la Dictature du Prolétariat.

Dans l'automne de 1902, un matin, alors que Lénine vivait en Angleterre, un certain Léon Trotski frappa à la porte de son domicile de Holford Square. En effet, Trotski ayant entendu parler de Lénine, et venant de s'évader de son exil forcé en Sibérie, souhaitait vivement se joindre à l'équipe de rédacteurs de l'Iskra.
Alors que le Congrès du Parti Ouvrier Socialiste de Russie (le P.O.S.D.R.) devait avoir lieu à Bruxelles le 17 juillet 1903, le Congrès dut déménager subrepticement, à Southgate Road au nord de Londres, le 29 juillet, dans un lieu totalement improbable pour des Marxistes exécrant la religion : Brotherhood Church, l'église congrégationaliste du pasteur F.R. Swann, un socialiste engagé.
L'idée forte du Congrès tournait autour du thème de la Dictature du Prolétariat. Au cours de ce Congrès, des dissensions apparurent au grand jour et il en émergea alors deux groupes distincts. D'un côté, ceux qui étaient devenus « majoritaires » : les Bolcheviques, dirigés par Lénine ; et les autres devenus « minoritaires » : les Mencheviques, dirigés par Martov.
Quasiment tous les membres de la rédaction de l'Iskra étaient de fervents aficionados des Jacobins de la Révolution Française, et donc des adeptes de la Terreur de 1792-1794.

En 1905, suite aux mauvaises récoltes régulières depuis plusieurs années, les paysans étaient de plus en plus en colère et les ouvriers se plaignaient de ne pas disposer d'organisations suffisamment structurées pour face aux employeurs. Les mouvements Révolutionnaires se développaient et le Tsar Nicolas II (qui avait succédé à son père Alexandre III en 1894), n'arrivait pas à organiser économiquement et socialement le pays en ce début de 20ème siècle ; bref, la situation devenait critique en Russie.
Les attentats terroristes étaient extrêmement nombreux à l'encontre du Pouvoir, dont le dernier en date qui avait causé la mort du ministre de l'Intérieur : Viatcheslav Plehve en 1904 ; assassinat commis par le Parti des Socialistes-Révolutionnaires.
Vint se rajouter à cette situation catastrophique, l'entrée en guerre de la Russie contre le Japon.
Jusqu'à ce jour du 9 janvier 1905 qui sera désormais nommé : le « Dimanche Rouge », car… (page 190) :
» (…) ce jour-là, des hommes, des femmes et des enfants, rassemblés à Saint-Pétersbourg, entreprirent de se rendre au palais d'Hiver, la résidence des tsars, pour remettre à Nicolas II une pétition réclamant des droits civils universels, notamment un embryon de représentation politique démocratique. C'était un dimanche et les manifestants, fermes mais d'humeur joviale et revêtus de leurs plus beaux habits, s'étaient réunis derrière Gueorgui Gapon, un prêtre orthodoxe. Cette manifestation avait été organisée par l'intermédiaire de l'Assemblée des ouvriers des usines et minoteries de Saint-Pétersbourg, dans l'idée de présenter au tsar en personne un ensemble de demandes formulées de manière très respectueuse. L'organisation était une sorte de syndicat ouvrier contrôlé par le ministre de l'Intérieur et créé dans le cadre d'un plan de surveillance décidé par Sergueï Zoubatov, le chef de l'Okhrana. Gapon jouait le rôle d'intermédiaire mais, avec le temps, il prit de plus en plus le parti des ouvriers contre les autorités.
A l'approche du palais d'Hiver, les manifestants reçurent l'ordre de se disperser, mais ils passèrent outre. le tsar étant absent, la garde impériale postée devant le palais commença à paniquer. le grand-duc Vladimir, son commandant, ordonna de tirer sur la foule, causant la mort d'un grand nombre d'innocents. Loin d'être étouffé, le mouvement s'amplifia, avec partout des grèves et des manifestations, et chaque fois la faute rejaillissait sur les Romanov.
La nouvelle de cette crise révolutionnaire parvint à Genève dans les vingt-quatre heures qui suivirent le « Dimanche rouge ». Anatoli Lounatcharski et sa femme furent parmi les premiers émigrés bolcheviques à lire les journaux du 10 janvier. Ils se précipitèrent rue David-Dufour, chez Lénine, qui laissa éclaté sa joie, malgré l'annonce de la mort tragique d'innocents tués à bout portant à l'entrée du palais d'Hiver. Pour le chef des bolcheviks, le tsarisme se trouvait au bord du précipice : le trône d'Ivan le Terrible et de Pierre le Grand commençait à vaciller, et l'essentiel était là. »
Ironie de l'Histoire : à chaque fois qu'il y eut une Révolution en Russie (en 1905 et 1917), Lénine était absent, vivant à l'extérieur dans un pays d'Europe…
Dans la foulée, Lénine fit organiser secrètement un Congrès le 12 avril 1905 pour décider de la stratégie à adopter, afin de transformer la manifestation sanglante du « Dimanche Rouge » en une Révolution Marxiste (page 194) :
« Lénine, dont la réputation parmi les bolcheviks s'était ternie depuis quelques mois, en Russie comme à l'étranger, réaffirma soudain son autorité. Il présida toutes les séances et modifia le programme à sa guise. Entreprenant enfin de préciser comment déclencher la révolution, il électrisa son auditoire avec des slogans préconisant l' »insurrection armée », un « gouvernement révolutionnaire provisoire », la « terreur de masse », et l' »expropriation de la noblesse foncière ». Chacune de ses formules était saluée par des acclamations. Il n'avait aucune inhibition et, si surprenant que cela paraisse, son auditoire l'écouta sans soulever la moindre objection. Les bolcheviks étaient sans pitié. Ils s'attendaient à faire la révolution et à devoir se battre contre une armée de contre-révolutionnaires ; aussi ne voyaient-ils pas pourquoi ils devraient éviter d'employer les méthodes violentes de Robespierre et des révolutionnaires français de 1789. Réalistes et pleins d'assurance, ils partaient du principe que, s'ils assumaient le rôle essentiel qu'on attendait d'eux dans le renversement du gouvernement tsariste, ils seraient indispensables : aucun bénéfice politique ou économique ne serait possible autrement. Leur objectif : se joindre à l'administration révolutionnaire mise en place. Lénine exprimait donc là des idées qui reflétaient leurs aspirations les plus profondes. »
Dans le Parti, on lui reprocha de ne pas retourner immédiatement en Russie pour participer à la Révolution. Mais Lénine était un théoricien plutôt couard (page 198) :
« Il n'avait jamais mis en jeu sa sécurité ni accompli le moindre geste révolutionnaire. Son activité d'émigré, avec ses débats intellectuels, ses publications et ses recherches en bibliothèques, continuait à le satisfaire. En le voyant rue de Carouge, nul n'imaginait que cet intellectuel impeccablement vêtu nourrissait la ferme intention de transformer la politique et la société, un objectif devenu primordial à ses yeux. Lénine était convaincu que les leaders de la révolution, censés apporter des orientations théoriques et proposer des solutions pratiques, devaient se préserver de toute atteinte à leur liberté.
(…) Il changea d'avis en apprenant qu'à Saint-Pétersbourg le régime consentait enfin à entreprendre de sérieuses réformes. le 17 octobre 1905, le tsar publia un manifeste dans lequel il s'engageait à édicter des droits civiques universels et à convoquer une Douma d'État. Immédiatement, Lénine se sentit rassuré. Il serait enfin débarrassé de l'Okhrana et pourrait se promener dans la rue sans agents à ses trousses – ou du moins pouvait-il l'espérer ! La première semaine de novembre, il prit un train à Genève et entama un périple qui lui fit traverser toute l'Allemagne. »
Mais arrivé à Saint-Pétersbourg, il s'aperçut que l'Okhrana était largement déployée dans la ville. Lénine ne put donc agir que dans l'ombre et lors de réunions Révolutionnaires secrètes. Il précisa le fond de sa pensée quant au déroulement que, selon lui, devaient suivre les évènements (pages 200 et 201) :
« Souvent il avait déploré qu'en 1871 la Commune de Paris n'ait pas eu recours à la répression, mais en 1905 il ne se contenta pas de confirmer qu'il userait de méthodes violentes : il les formula avec un niveau de précision bien plus sanguinaire que tout ce que l'on pouvait imaginer. Il se montra quasiment assoiffé de violence, et si personnellement il ne nourrissait aucune ambition meurtrière ou barbare et ne souhaitait même pas assister à des scènes de boucherie, il trouvait un plaisir cruel à les recommander.

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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