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Critique de Kirzy


La trame de départ est classique : 1920, une enquête sur deux meurtres de notables ( un huissier, un professeur ) , camouflés en suicide ou crise cardiaque, convergent vers l'école de vétérinaire de Toulouse. Clairement, l'intrigue est bien menée, bien construite, avec un suspense habilement distillé et une résolution cohérente.

Mais ce roman va bien au-delà du genre «policier ». C'est avant tout un polar social qui gratte là où ça fait mal en dressant un portrait sans complaisance de la France de l'après Première guerre mondiale, à la manière d'un Au-revoir là-haut ( plus modestement mais tout aussi intelligemment ). Le fait que l'enquête soit menée par un vétéran poilu apporte beaucoup de profondeur au récit , on s'attache à ce narrateur dont on découvre progressivement le traumatisme initial, cabossé, héros solitaire hanté par l'enfer des tranchées, ne survivant qu'à coup d'alcool et de morphine depuis la Grande guerre.

« Une longue nausée de quatre années pendant lesquelles il a fallu renier toute la morale inculquée à grands coups d'école et d'église, et lui préférer l'honneur de tuer. Refaire le chemin inverse. Oublier qu'on est homme pour redevenir animal. Ramper au lieu de marcher. Ne plus chanter, mais gueuler. Ne plus se regarder, mais apprendre à se détester, jusqu'à se vomir. Ne plus reconnaitre son alter ego dans la dépouille des camarades, mais fouiller les corps pour manger. Nous sommes tous devenus des tueurs. C'est ce qui nous a maintenus en vie. Nous avons survécu en niant tout ce en quoi nous croyions. Cette foutue guerre a été gagnée en violant, en dépeçant et en pillant les fermes abandonnées. Mais aujourd'hui, les voleurs de cabas, les assassins mus par la passion ... j'ai bien envie de m'en foutre. »

L'hypocrisie de cette société post guerre est particulièrement mis en avant : le patriotisme stupide de ceux qui n'ont pas la guerre mais s'arrogent le droit de juger tout en portant un regard dégoûté sur les fracassés de la guerre ; la cupidité sans morale qui fait fi des difficultés de la période ; l'obsession de respectabilité qui pousse à mettre la poussière sous le tapis. La lutte des classes et des castes n'en est que plus vive, mais la tendresse de l'auteur à l'égard les petits, les dominés, n'en est que plus lumineuse.

Et de la lumière, il n'y en a que peu dans ce polar. Je l'ai entraperçue dans la description sensible et amoureuse de Toulouse ( ma ville natale, que j'ai aimé retrouvé ses quartiers, sa Garonne et tout le reste ... ). Mais le dénouement m'a ramenée sur terre. Terriblement sombre, logique, le curseur du noir est poussé très haut.

Un polar très réussi, d'une grande justesse psychologique, qui fait fusionner subtilement grande Histoire, enquête policière et portrait social d'une époque.
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