Et moi? qu'est ce que je fais là, terré comme une créature des ténèbres, un rat, un vulgaire lombric ? j'ai des jambes et un fusil, je devrais être la bas, avec eux. J'ai fui. J'ai refuse de faire à ça. J'ai abandonné mes camarades, mes amis, mes frères d'armes.
Ils ont disparu et pas moi.
Un vulgaire lombric. Je me suis souillé. Je le sens, c'est tout froid. Mais je ne peux pas me lever. Je vais rester là et attendre, même si je sais que rien ne viendra.
Mon âme est morte. ça aussi je le sens, c'est tout froid dans ma tête.
Je vais demeuré ici, comme le papillon accroché à ce bout de barbelé. Je vais muer et mon âme rester ici. Elle se figera et finira par se dessécher.
C'est aujourd'hui que je suis mort.
La vie pue, les morts puent, mais ceux-là qui s'évanouissent dans la fumée, désintégrés par les explosions; ils sont plus morts que morts, ils ne sont plus.
Même leurs cris se mêlent aux sifflements des 120 qui s'abattent avec acharnement. Des cris pour rien poussés sans avoir été perçus, qui vont errer dans le néant. Pourtant, hurler est tout ce qui leur reste d'humain, c'est leur dernière volonté; mais même cela la guerre le leur refuse. Elle fait un bruit plus grand encore pour qu'ils ne puissent s'entendre. Pas question qu'ils se rassurent une ultime fois en écoutant le son de leur propre voix. Quoi de plus horrible finalement que de mourir sans pouvoir se bercer de son dernier soupir.
Une journée de plus qui commence. Pour tout le monde, cette foutue guerre a été gagnée mais pour moi, elle n'en finit pas.
- Allons donc ! Quand les gens sont désespérés, allez savoir ce qui leur passe par la tête.
Une balle, me dis-je.
A force de chercher, tu finiras par trouver quelque chose, c'est certain.
P 156 : Mon âme est morte. Ça aussi je le sens, c'est tout froid dans ma tête.
P 164 : Elle pleure, mais pour elle-même. Sec.