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Critique de pchion


Les éditions « L'échappée » viennent de remettre l'oeuvre et la vie de Séverine, la journaliste ((Caroline Rémy 1855 – 1929), au premier plan, en éditant un intéressant recueil d'articles, parfois peu connus, que cette grande dame de la presse française a écrits au tournant des deux siècles précédents. Joli travail intitulé « L'insurgée » en référence aux écrits de son ami Vallès.
Le recueil commence par une longue et intéressante introduction de Paul Couturiau et nous propose ensuite une petite cinquantaine de textes plus ou moins connus rédigés par Caroline Rémy et signés, au gré du vent, Séverine, Caroline, Renée, Jacqueline… Cela va de l'hommage rendu à une personnalité disparue, au reportage sur une catastrophe, en passant par un plaidoyer pour défendre tel ou tel inculpé de la « justice bourgeoise » - justice qu'elle ne manque pas de pourfendre. Certains récits sont très classiques, le style parfois un peu pompeux (mais il faut toujours se replacer dans le contexte de la fin du XIXème siècle), souvent drôles et même originaux. J'aime beaucoup les textes où se plaçant dans la perspective de l'un de ses « doubles », elle s'amuse à dresser un portrait critique d'elle-même. le billet intitulé par exemple « D'estoc et de taille » et signé « Renée » est un petit bijou du genre. Cette chère Renée nous dresse le portrait d'une Séverine qu'elle connaît bien, cette « emballée » que « les années ne corrigent pas » et qui « rêve je ne sais quelle fin romanesque, au fond d'une ambulance en temps de guerre, au fond d'un hôpital au temps de contagion. »
Ce que j'apprécie particulièrement chez Séverine, outre sa personnalité, c'est sa franchise et sa capacité à remettre en cause des opinions qu'elle a exprimées parce qu'elle les estimait valables à un moment donné mais plus à un autre. Ces changements de ligne directrice l'ont parfois amenée à côtoyer des gens peu recommandables comme Boulanger ou Drumont, mais ne l'ont pas empêchée de prendre la défense vigoureuse de Dreyfus ou bien des anarchistes malmenés par les tribunaux. Nous n'avons pas affaire à une girouette mais à une militante humaniste toujours à l'écoute du malheur des autres ; non point à une politicienne calculatrice, mais à une philosophe ouverte aux idées qui n'émanent pas forcément d'une chapelle quelconque à laquelle elle n'adhère en aucun cas. Ses talents de journaliste et surtout de reporter de terrain (l'une des premières) sont indiscutables. Lisez ses reportages sur les accidents dans les mines de charbon à St Etienne (que l'on peut trouver dans un autre recueil : « pages rouges ») ou son analyse des fusillades de Fourmies où elle dénonce la façon dont les journaux ont minimisé la violence des massacres. On déplore avec beaucoup d'hypocrisie, le fait que des femmes et des enfants aient été fusillés par la troupe, puis l'on minimise la gravité de cette action en insinuant le fait que les femmes abattues ce jour là n'étaient sans doute que des femmes de petite vertu, des gens de rien, des créatures de mauvaise vie…
Bref une lecture incontournable que ce petit volume imprimé sur un papier fin et résistant de 280 pages. Je serais injuste si je ne mentionnais pas aussi la postface « Séverine aujourd'hui » rédigée par deux professeures de lettres modernes, toutes deux engagées dans la « désinvisibilisation des femmes dans la littérature ». Merci à Laurence Ducousso-Lacaze et Sophie Muscianese pour leurs informations complémentaires concernant entre autres l'association récemment constituée des « Amies de Séverine ».
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