AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Milllie


Zanzibar, années 50. Yasmin , une jeune indienne, n'a jamais eu son mot à dire pour choisir sa vie : mariée par ses parents à un commerçant indien bien plus âgé qu'elle, puis reniée par sa famille quand elle le quitte et s'enfuit loin de chez lui. Elle se réfugie chez son ancienne voisine, Mwajuma, une africaine des quartiers populaires de la ville qui lui fait partager sa vie insouciante faite de petits plaisirs et de musique. Mais quand Yasmin rencontre Denge, un jeune intellectuel rentré de Russie et se battant pour l'indépendance de son pays, son destin va irrémédiablement basculer.

Après la lecture de Zanzibar d'Altaïr Despres, roman d'une jeune chercheuse française qui décrit le choc des cultures entre touristes blancs aisés et habitants de Zanzibar, j'ai eu envie d'en savoir plus sur cette petite île à l'histoire si riche et c'est sans en connaître grand chose que j'ai choisi ce roman, Les indociles, lors de la dernière Masse Critique organisée par Babelio. J'ai découvert à la réception de ce livre que Adam Shafi Adam était un des plus grands écrivains tanzanien de langue swahilie et que pourtant ce titre n'était que son second ouvrage traduit en français. Armée de ces quelques éléments et du peu que je connais de l'histoire de cette île, j'ai plongé dans cette lecture comme on entreprend un grand voyage et n'ai jamais été déçue. Il m'a toutefois fallu quelques chapitres pour m'adapter et mieux comprendre le contexte et l'histoire que décrit l'auteur. En effet Adam Shafi Adam nous immerge immédiatement dans l'histoire de Yasmin, sans plus de présentations ni de préambules : elle est indienne, très jeune, mariée à un commerçant indien beaucoup plus vieux qu'elle et qu'elle connaît à peine et nous partageons son désarroi et ses interrogations face à cette vie qu'elle n'a pas choisie.

Quand soudain Yasmin décide de s'enfuir et, rejetée par son oncle, se réfugie chez son ancienne voisine, la jeune Mwajuma, le roman bascule dans une autre atmosphère. Sur les pas de Yasmin, un peu perdue dans cette atmosphère de liberté si différente du monde qu'elle connaît et surtout très angoissée face à la précarité de sa situation, nous découvrons le Zanzibar swahili : son quotidien souvent précaire, toujours joyeux, ses fêtes, ses cafés où on vient se ravitailler en alcool ou en en-cas et surtout sa musique, ses chants et ses danses dans lesquels les deux jeunes femmes excellent. L'auteur réussit en peu de mots, sans description superflue ni détails sur les états d'âme de ses personnages, à nous faire ressentir toute l'atmosphère et l'ambiance de l'île. La traduction française impeccable, mêlée à quelques expressions swahilies explicitées en fin d'ouvrage, nous permet de nous immerger dans cette culture et au fil des pages on a l'impression de marcher sur les traces des personnages et de partager leur vie.

Derrière ce quotidien qui semble au premier abord banal, l'auteur décrit aussi toute l'atmosphère et l'injustice du Zanzibar colonial, là aussi sans grande démonstration, sans faire la leçon, par petites touches et détails qui en disent tant. C'est d'abord Denge qui sous ses airs de beau gosse dilettante mène en fait un vrai combat politique pour la liberté et l'indépendance de son pays. Ce sont ces tracts et journaux qu'il fait entrer clandestinement dans le pays et pour lesquels il risque sa vie. C'est l'injustice et le pouvoir absolu de la police et au dessus du résident anglais et de l'administration coloniale qui peuvent manipuler, emprisonner, arrêter arbitrairement n'importe quel habitant. Au fil des chapitres le roman gagne en intensité en même temps que son héroïne, Yasmin, grandit, comprend mieux le monde qui l'entoure, le combat politique de Denge et ses amis et va petit à petit conquérir son indépendance et faire ses propres choix. Je me suis complètement attachée à ce magnifique personnage et j'ai vraiment eu l'impression en refermant ce roman d'avoir fait un bout de chemin avec Yasmin, Mwajuma, Denge, Monba et tous leurs amis.

Les indociles, ce roman au très beau titre qu'on comprend mieux une fois le livre refermé, m'a offert un très beau voyage sur une île pas comme les autres. J'ai particulièrement apprécié le fait que l'auteur nous plonge dans le quotidien et l'atmosphère de Zanzibar sans rien expliquer, sans vouloir tout contextualiser, laissant le lecteur se faire sa propre expérience et son ressenti tel le voyageur plongé brusquement dans un monde qu'il ne connaît pas. Un roman émouvant et très beau qui me donne vraiment envie de découvrir l'autre ouvrage traduit de cet auteur.

Et bien sûr un grand merci à Babelio et à la maison d'éditions Project Iles qui, en plus de faire un excellent travail pour nous permettre de rencontrer des auteurs insulaires encore peu diffusés, a accompagné cet envoi d'un joli marque page et d'un petit mot personnalisé qui m'a touchée. Merci pour cette belle rencontre et cette jolie découverte !
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}