AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de morganex


le "verre lent": un matériau synthétique découvert par hasard, au détour de la commercialisation ratée de nouveaux pare-brises pour avions supersoniques. Cas d'école classique d'une expérimentation scientifique qui rate son objectif mais en atteint un autre.

Le "verre lent" est prometteur, tant les retombées prévisibles de sa découverte ouvrent bien des possibles commerciaux, politiques, sécuritaires...etc

Qu'a t'il de spécial..?

Monté, par exemple en vitre, sur le cadre d'une fenêtre, il n'est de prime abord qu'un verre d'apparence banale. La lumière qui le traverse d'une face à l'autre, considérablement ralentie par la densité artificielle et peu commune du matériau, met des heures, des jours, des mois, voire des années pour en sortir. Plus le verre est dense et "réfractaire" plus la restitution de la lumière se fait attendre. Côté entrant le verre absorbe l'image qu'il reçoit, côté sortant il la restitue à l'issue d'un laps de temps plus ou moins long. Et çà marche dans les deux sens. le rendu est de très haute définition tant sur les images fixes que sur les scènes en mouvement absorbées. le temps de restitution est de durée égale à celui d'exposition.

Alban Garrod, un scientifique, est l'inventeur du "verre lent". Il fera fortune mais passera le reste de sa vie à se demander s'il a bien fait d'en commercialiser les applications induites innombrables, prometteuses, innovantes et de nature à chambouler le monde. Mises au service de l'humanité aucune d'entre elles ne sera vraiment innocente: se montrant toutes tour à tour néfastes ou bénéfiques. Tout réside dans les intentions, pacifiques ou guerrières, de celles et ceux qui utiliseront les potentialités du nouveau matériau. Il se montrera tour à tour arme ou bienfait.

De quel côté penchera la balance de son influence sur le monde ?

Tout le pitch du roman est là, dans la simplicité du postulat de départ qui précède.

L'exploitation qu'en fait Shaw va faire remonter bien des conséquences. Bien qu'il me semble que l'auteur aurait pu gratter davantage et mettre à jour d'autres "possibles". Mais le bouquin, daté des 70's US imposant un one-shot rapide, ne pouvait pas s'attarder au-delà des 220 pages standards. Je reste persuadé que du thème, un auteur SF actuel aurait rendu copie plus diluée et proche de l'exhaustivité.

Penchons nous, par exemple, sur quelques utilisations possibles de l'invention.
Le verre lent peut capturer l'ailleurs et/ou le passé.
Absorbant longtemps, par exemple, la ruralité d'une scène alpestre il peut la réinjecter dans un appartement urbain lorsqu'il remplace la baie vitrée donnant sur l'extérieur.
Visualisant une scène de crime sans coupable démasqué il dévoilera son nom au terme de son temps de restitution.
Ces deux exemples ne sont que des gouttes d'eau dans un océan d'applications innombrables.
Le lecteur les découvre progressivement. Elles sont le sel du récit. Shaw offre à son lecteur un catalogue de conséquences inattendues: policières, politiques, sentimentales ... jusqu'à la vision finale que G. Orwell n'aurait pas désavouée.

Sur le fond, l'ouvrage se lit à la manière d'un récit d'anticipation scientifique d'antan. Il a beau avoir été écrit durant les 70's, on sent encore la patte des pionniers SF. On y essore le postulat pseudo scientifique dans les moindres recoins pour en extraire tous les jus.
Sur la forme, l'auteur nous montre plus de modernité de ton au-delà du charabia scientifique de rigueur, nécessaire et suffisant à crédibiliser le propos. Shaw possède en outre une certaine propension à un style poétique efficace.

"Les yeux du temps" fut à l'origine une simple nouvelle, "Lumière des jours enfuis", OPTA, Fiction n° 205, 1971. Elle fut nommée au prix Nebula de la meilleure nouvelle courte 1966. L'idée d'un roman ayant le "verre lent" comme thème central germa ensuite. Shaw accola autour de la nouvelle initiale d'autres nouvelles et un liant à la manière d'un fix-up. L'ensemble n'est pas homogène. On trouve des moments faibles, articulés presque de force, mal assemblés sur la construction choisie; et d'autres très forts, en particulier dans l'intégralité de la nouvelle fondatrice.

En quelques mots, j'ai eu l'intuition de lire, en cet instant précis, un de ces purs romans de SF, tels qu'ils furent construits à un certain Age d'Or du genre; un de ces bouquins type qui avaient faits école; juste avant qu'ils ne basculent du côté de la Force désuète et vieillotte de la SF. Ce me fut un fragile instant d'équilibre temporel incertain entre deux façons de concevoir la SF.
Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}