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Critique de Aquilon62


Petit rappel /préambule
Diodore de Sicile décida de composer une oeuvre dont l'ambition avérée n'est pas mince : la Bibliothèque Historique (le titre signifiant compilation d'ouvrages historiques) et comprenait quarante livres dont la prétention était de couvrir l'histoire universelle, depuis les origines jusqu'à l'expédition de César en Bretagne, en 54 av. J.-C.
Cette Histoire est en fait une encyclopédie du savoir, un état présent des connaissances tel qu'on pouvait le dresser au Ier siècle avant notre ère.
De ses textes il ne reste, malheureusement, que 16 livres "complets" sur les 42 initiaux et certains autres qui ne sont que fragmentaires.

Diodore de Sicile par sa Bibliothèque Historique, est a ranger au rang des mythographes comme le sont Apollodore ou Hygin. Il fait partie de ces auteurs de l'Antiquité qui ont compilé et étudié les mythes. le mot vient du grec mythos, « parole, mot, fait, histoire, narration » et graphō, « écrire, inscrire ».

Ce livre IV présente une particularité : il est entièrement
consacré à la mythologie grecque. Passant en revue quelques grands cycles mythiques, il évoque tour à tour les légendes dionysiaques, les Travaux et les autres exploits d'Héraclès, l'expédition des Argonautes et la vengeance de Médée, les travaux du héros athénien Thésée, la guerre des Sept contre
Thèbes et le destin des Epigones, pour s'achever sur un chapelet de mythes consacrés, les uns à la description de généalogies jusqu'à la guerre de Troie, les autres à des héros siciliens.

Le fait d'être exclusivement consacré à la mythologie pose inévitablement la question du statut de ce livre IV au sein de la Bibliothèque Historique : ce livre constitue-t-il une oeuvre purement mythographique, ce qui ferait de lui un livre marginal à l'intérieur de l'histoire universelle, ou bien la matière mythique est-elle mise au service de l'histoire, ce
qui, par conséquent, inscrirait parfaitement le livre dans le projet historique global de la Bibliothèque historique et lui confèrerait toute sa légitimité ?

Dans l'introduction on nous précise que ce livre IV doit être considéré comme un livre de transition : "Diodore s'achemine petit à petit vers les temps historiques, que la tradition situe, à son avis, au moment de la guerre de Troie. Il va lui falloir passer bientôt à l'Histoire proprement dite, et dérouler cette longue histoire jusqu'à la guerre des Gaules. S'il veut que le passage soit agréable pour le lecteur, il faut lui faire quitter « en douceur » le monde des dieux et des héros, amener l'Histoire progressivement, sans solution de continuité, sans que la frontière soit trop visible entre le monde du mythe et celui de l'histoire des hommes."

Diodore de Sicile par sa Bibliothèque Historique, est à ranger également au rang des historiens, car dans son projet d'histoire universelle, depuis les origines jusqu'à l'expédition de César en Bretagne, en 54 av. J.-C, l'intégration de la mythologie e dans une histoire universelle est une innovation de Diodore. L'historien sicilien est donc un érudit novateur, ce qui d'emblée contredit l'image d'écrivain transmise par une certaine tradition. Et il mérite d'être découvert.

Le mythe peut être envisagé dans sa généralité comme un moyen utilisé par Diodore pour servir sa conception morale de l'histoire, il mérite aussi d'être observé pour lui-même, comme objet d'étude particulier. Sur le plan diachronique, la synthèse mythographique exposée dans ce livre IV se présente comme le fruit évolué de courants intellectuels, à la fois littéraires et philosophiques, qui ont marqué l'époque hellénistique.
Ainsi, derrière le foisonnement des traditions mythiques rapportées se dégagent des caractéristiques constantes : empreinte de l'évhémérisme, historicisation et rationalisa-
tion des mythes.
La mythologie du livre IV est fortement marquée par l'évhémérisme. Ses héros sont seulement très proches des hommes par bien des aspects, mais ils sont aussi des bienfaiteurs de l'humanité exceptionnels.
À titre d'exemple, la partie consacrée à Héraclès se présente comme une biographie d'homme, délimitée par la naissance et la mort du héros.

Alors pour finir sur une image plus poétique, Diodore aborde ainsi les Muses :

"Homère dit en effet :
« Toutes les neuf Muses ensemble se répondant de leur belle voix ; »
Et Hésiode donne même leurs noms, lorsqu'il dit :
« Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène,
Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie,
Et Calliope, qui les surpasse toutes. »
A chacune d'entre elles, on attribue une aptitude propre dans un domaine artistique, comme la poésie, le chant, les danses et les choeurs, l'astronomie et les autres domaines. La plupart des mythographes les disent vierges parce que l'on considère que les qualités acquises par l'éducation sont inaccessibles à la corruption.
On les a nommées, dit-on, « Muses » parce qu'elles initient (mueîn) les hommes, c'est-à-dire parce qu'elles enseignent ce qui est beau, utile et ignoré des hommes sans éducation. On attribue, disent-ils, au nom de chacune une raison particulière :
Clio est appelée ainsi parce que l'éloge des vertus célébrées dans la poésie assure une grande gloire (kléos) à qui est loué ;
Euterpe parce qu'elle charme (terpein) les auditeurs grâce aux talents qu'elle tire de son instruction ;
Thalie parce que ceux qui sont célébrés dans les poèmes restent pour longtemps florissants (thalleîn) ;
Melpomène à cause de son chant lyrique (mélodia), qui séduit ceux qui l'écoutent ; Terpsichore parce qu'elle charme les auditeurs par les talents qu'elle a reçus de son éducation ;
Érato parce qu'elle rend les hommes qu'elle a instruits désirables et dignes d'être aimés (éperastos) ;
Polymnie parce qu'elle rend illustres, en les grandissant de ses hymnes (pollé humnéseos), ceux qu'immortalise la gloire de leur oeuvre ;
Uranie parce que ceux qu'elle a instruits sont élevés aux cieux (ouranos) : grâce à leur renommée et à leur noblesse, leurs âmes sont élevées, en effet, au sommet des cieux ; Calliope parce qu'elle « lance une jolie voix » (kalè opa), c'est-à-dire qu'en se distinguant par l'éloquence, elle gagne l'approbation de ceux qui l'écoutent."

Alors une dernière interrogation la Muse de Diodore
Clio ou Calliope ?
Histoire ou Poésie Épique ?.....
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