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Critique de michelangelo


Albert a tout du raté. Son patron se sert de lui, sa femme le trompe sans même s'en cacher. Pourtant, Albert est extrêmement troublé par le souvenir d'Anaïs, cette jeune fille à peine sortie de l'adolescence qui se couchait devant tous les hommes de son village, telle une déesse de l'amour impétueuse et nymphomane. Il lui aura fallu des années pour aller chercher ses faveurs de fille facile et il n'en gardera qu'un souvenir médiocre.
Au début du roman, Albert fuit Paris à bord de sa voiture, égaré dans la nuit et sous une pluie battante. Tel le Meursault de Camus, il semble pris dans les filets de l'absurde. Tombé en panne, il se rend laborieusement dans le village le plus proche. Là il se décide à se rendre à la police et avoue le meurtre de son patron.
Ses motivations semblent ambigües et ses explications fumeuses. Pourtant, le corps est bel et bien retrouvé. La sauvagerie de l'assassinat ne fait pas de doute. Un coup de pistolet, ce même pistolet qu'Albert dit avoir pris sur la table de chevet. Puis des coups de tisonnier et finalement un bon coup de statuette en bronze afin de terminer l'ouvrage, car Albert ne voulait pas laisser un homme souffrir dans le triste état où il se trouvait, une partie du visage arraché par la balle de revolver.
Voici dévoilé le contexte général de ce roman très noir et désespérant. Il ne laisse que peu de place à une logique de la motivation du meurtrier qui agit sur un coup de tête, à la façon de l'Etranger de Camus. Mais ce qui paraît absurde trouve toujours sa source dans un passé enfoui qui resurgit avec autant de force qu'il a été longtemps enfermé dans le labyrinthe des souvenirs ensevelis, tel un volcan qui soudain explose de tant de puissance accumulée.
Cette logique qui manque, Albert va l'exprimer lors de l'analyse psychiatrique demandée par le juge. C'est ici que Simenon fait preuve de grand talent. Il explore avec tact et authenticité les méandres d'un esprit torturé, renfermé, presque anéanti au point de tellement ressembler à l'être faible et médiocre que son entourage a toujours vu en lui. L'auteur décrit à merveille l'éveil de cet homme simple et fermé sur une douleur enkystée de longue date.
Cet accouchement vers une vérité tellement difficile à débusquer se fait en douceur, au fil des pages, dans un style qui est propre à l'auteur. Les petits détails évocateurs, les indices infimes, tels les pièces d'un puzzle psychologique, concourent à l'édification d'une vérité qui se dessine progressivement.
Le lecteur est subjugué par autant de grâce et d'élégance sur un sujet aussi grave. La plume de Simenon vole et compose quelques-unes des plus belles pages que la littérature nous donne à lire. Ce court et dense roman noir est un modèle d'orfèvrerie qui ne laissera personne indifférent. Il est regrettable qu'un tel tour de force soit déjà tombé dans l'oubli alors que bien des écrivains contemporains médiocres ont acquis une célébrité imméritée et tiennent le devant de la scène chez les libraires dits indépendants.

Michelangelo 07/03/2021

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