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Critique de nilebeh


Les faits réels :Attentat islamiste à Mumbaï du 26 au 29 novembre 2008 : 188 morts

Le roman de S. Singh : Attaque terroriste à l'hôtel Arcadia : Bilan inconnu



Soixante-sept heures de terreur et d'attente, repliée au fond de sa chambre, seule d'abord, puis en compagnie du petit Billy qu'elle a sorti de celle où il reposait, terrifié, sous le corps inerte de son père : c'est l'effroyable expérience vécue par Sam, reporter-photographe de guerre. Âgée de moins de quarante ans, le crâne rasé, la silhouette menue et musclée, elle sort de son refuge, armée de son Canon et de son Mamiya qui forment depuis toujours comme le prolongement de son oeil, de son corps. Elle les tient précieusement contre sa hanche, devant son ventre, ils lui sont plus chers que le plus cher des bijoux. Outils de travail, outils pour témoigner, créer, restituer, l'horreur, la peur, les visages des morts qu'elles mitraillent depuis toujours, dans toutes les guerres et qu'elle « retravaille » ensuite pour de gigantesques oeuvres qui sont sa marque. Artiste témoin de son temps, artiste qui redonne aux morts une existence.

Loin d'elle, Abhi, le fils raté d'une famille de militaires, qui a choisi la vie moelleuse de directeur d'un grand hôtel plutôt que celle de combattant. Cloîtré dans son bureau, protégé par une porte blindée, il entend, il voit sur les caméras de surveillance, la progression des terroristes qui se sont emparés de son hôtel, il voit Sam et la protège du regard ; il informe la police « en temps réel » — comme si ce temps avait l'air réel ! — Il avertit les clients de rester silencieux. Son courage méthodique, son attention sans faille dans l'intérêt des plus faibles font de lui un héros malgré lui. Malgré aussi la douleur qui le tenaille quand il comprend que Dieter, son amant, est certainement mort, là-haut dans le très chic club-bar de l'hôtel.

Et ces deux courageux tissent entre eux un fil ténu par caméra interposée ou par téléphone, échangent des souvenirs, des propos malicieux, pour pouvoir tenir. On mesure ce qu'il faut de terreur et de désespoir pour se réfugier ainsi dans un ultime partage de chaleur humaine.

Pendant près de trois jours, Sam va faire son métier, au mépris de ses émotions, si froide parfois qu'elle nous semble inhumaine. Abhi va évoquer ses souvenirs d'enfance et d'adolescence, ce qu'il y a de douloureux à être différent dans une société si traditionnelle.

L'écriture de Sunny Singh, auteure indienne anglophone, est ciselée comme une photo en noir et blanc, les contours des images qu'elles suscitent peuvent être un moment adoucis, mais très vite, les images redeviennent tranchantes et noires comme l'obsidienne. Il est difficile de quitter les personnages, si simples, si héroïques, si profondément humains et, dans le contexte actuel de notre actualité, cette attaque terroriste prend un relief effrayant et obsédant à la fois.

Une excellente, excellente lecture ! Il y a quelque chose de cinématographique dans ce roman, tant l'auteur nous emmène avec elle au travers des couloirs et des escaliers, tant elle restitue les sons et les silences, l'air qu'on y respire et les mouvements, comme ceux d'une caméra, nous révèlent, durement, les recoins les plus cachés de l'hôtel en réponse aux coins les plus secrets de l'âme des deux héros. Un bon sujet de scénario, peut-être...
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