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Critique de Ileauxtresors


Le père de Charles Sitzenstuhl est un personnage insondable. On sait qu'il est allemand, viril, exigeant, pointilleux, peu causant. Mais surtout violent, pour des raisons incompréhensibles qui nous laissent aussi désemparé que son entourage.

Dans ce roman manifestement autobiographique, que j'ai eu la chance de pouvoir découvrir dans le cadre de l'opération Masse Critique de janvier, c'est de sa propre enfance alsacienne que parle Charles Sitzenstuhl. le récit prend la forme de chroniques de la vie quotidienne. Comme des milliers de foyers de la classe moyenne, la famille Sitzenstuhl rénove sa maison, sort le week-end pour des promenades dans la nature ou des baignades à la piscine, s'intéresse à différents sports, participe régulièrement à des repas de famille… Mais le joug terrible du père semble se resserrer sur Charles, sa soeur et sa mère.

Les mots révèlent un spectre effarant de reproches, de brimades, de formes de dépréciation plus ou moins subtiles, d'actes malveillants, d'humiliations et de blessures. Ils disent également les difficultés de grandir et de se construire, de s'extirper de ce qui devient une fatalité. Cette folie destructrice à laquelle toute une famille est livrée s'incarne dans cette Golf blanche lancée à une vitesse terrifiante sur les petites routes alsaciennes, instrument dément de l'affirmation de la tyrannie paternelle.

Charles Sitzenstuhl écrit avec pudeur et sans pathos. Son récit n'en frappe pas moins là où ça fait mal. C'est avant tout en temps que mère que j'ai été touchée, parfois profondément, pendant toute la lecture. La vulnérabilité de ces enfants, de cette femme aimante mais tétanisée, est presque insupportable : on lit ces pages avec angoisse, se demandant ce qu'il va advenir d'eux.

Ce texte m'a d'autant plus touchée qu'il résonne curieusement avec l'histoire de mon mari, allemand lui aussi, qui a grandi avec un père irascible, avec lequel la relation a suivi une trajectoire similaire à celle du livre. À travers certaines des séquences du roman, j'espère être parvenue à mieux comprendre ce qu'il a vécu. Mais aussi, j'ai souvent pensé à mes expériences de l'éducation des enfants en Allemagne, où la « bienveillance » est un impératif omniprésent, ce que j'ai tendance à interpréter comme une réaction au rejet de l'autoritarisme qui a fait tant de ravages dans ce pays. La tyrannie infligée à Charles Sitzenstuhl par son père allemand ne m'en a semblé que plus amère.

L'écriture peut être une alliée précieuse sur la voie de la résilience. le parcours et la réussite professionnelle de l'auteur suggèrent qu'il s'en est sorti et j'en suis sincèrement heureuse pour lui.
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