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Critique de Pancrace


Le pays des autres est un roman « de regard ».
De celui qu'on perçoit dans les yeux de ceux qui ne sont plus de nulle part.
Le pays des autres est un roman « d'égards ».
De ceux que l'on accorde avec respect aux êtres qui ont bâti leur destin dans d'autres chemins, sur d'autres territoires avec une faculté rare.

J'ai, avec avidité embrassé le dessein de Mathilde l'alsacienne, tombée amoureuse d'Amine le combattant marocain de l'armée coloniale venu défendre une patrie qui n'était pas la sienne, de tout quitter pour rejoindre cet homme dans son Maroc vivre son amour baroque.
Admirable pour l'époque !

A la faveur de son intrigue, Leïla Slimani distribue les cartes d'une sorte de jeu des sept familles où sur chaque lame la vie de chacun est développée, capturée, comme saisie sur le Rif.

A vous de jouer…

Dans la famille Alsace, je veux Georges, le père de Mathilde. Pour lui, l'Afrique évoque les femmes aux seins nus, les hommes en pagnes. Un lieu où l'on pouvait être les maitres du monde.
Dans la famille Maroc, je veux la mère d'Amine, Mouilala qui, sa vie durant n'a fait que la cuisine et des enfants et qui n'est jamais sortie de la médina. Qui en fait n'est jamais sortie de la vie qui lui a été assignée, sans résistance.
Dans la famille Maroc encore, je veux Amine, le revenu de la guerre imposée comme une figure, avec l'idée de reprendre les terres de son père mort qui sont juste en face de celles florissantes des colons français. Pour faire les mêmes avec sa sueur et ses gènes.
Dans la famille Alsace j'aime Mathilde, sa force, sa fougue. Qui ne veux pas qu'on dise
qu'elle a « atterri là ». C'est son choix, elle va l'assumer.
Dans la famille Rebelle, j'ai entendu Omar, le frère d'Amine, dire sa haine des envahisseurs français, sa hargne à les chasser. Pour lui, même Amine aurait du mourir, il a pactisé.
Dans la famille Malaise, je plains Aïcha, la fille de Mathilde et Amine, blanche mais crépue,
ça fait jaser dans l'école des Soeurs où sont regroupées les enfants de colons.
Dans la famille Indomptable, j'ai mal pour Selma, la soeur d'Omar, qui se fait battre et se fait traiter de pute par son frère parce qu'elle est trop belle et qu'elle pourrait plaire. Lui, qui avec ses valeurs ancestrales immuables se prend pour le père. Quel avenir pour elle.
Dans la famille Délaissé, j'ai écouté grogner Mourad le contremaitre de l'exploitation, revenu d'Indochine et qui pour plaire à Amine veut imposer la rigueur aux fellahs, leur faire plier l'échine, incapables de discipline. En sera-t-il récompensé ?
Et enfin, dans la Famille Alsace restée sur place, je veux Irène qui envie sa soeur Mathilde d'avoir quitté une vie sans relief et sans adrénaline. Les lettres qu'elle reçoit la font rêver,
mais est-ce la réalité ?

Dans ce roman Leïla Slimani explore tous les mécanismes de la société coloniale dans le Maroc de l'après guerre de 40 où, tous les rouages sensibles des comportements humains sont exploités avec les engrenages de la fierté et de l'arrogance et les ressorts de l'orgueil et du mépris. La machine va-t-elle se gripper ?

Bonne pioche…
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