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Critique de Krissie78


Si l'on pense histoire de la décolonisation en France on a facilement en tête l'Indochine et l'Algérie. En tout cas pour moi le Maroc ne vient pas dans les premiers pays que je citerait. Heureusement il y a Leila Slimani. Avec "Le pays des autres", le premier volet de sa trilogie, elle nous plonge au coeur de la fin de ce protectorat.

Mathilde est alsacienne. En 1944 elle rencontre Amine, soldat de l'armée française. Amoureuse elle l'épouse et après la guerre va s'installer avec lui dans un village non loin de Meknès. le couple mixte se tient à l'écart des luttes pour l'indépendance et travaille dur pour rendre viable et productive leur exploitation agricole. Et pourtant "la guerre, la guerre, la guerre" (sous-titre du roman, qui renvoie à Scarlette O'Hara dans Autant en emporte le vent") est partout autour d'eux, dans cette ville de Meknès où se côtoient les marocains, les colons et les soldats en garnison, dans les collines où se cachent les indépendantistes.

Ce premier volet se situe à l'aube de la fin du protectorat, entre 1944 et 1955. Dans cette saga familiale, inspirée de la vie de la grand-mère de l'auteure, toutes les tendances, toutes les composantes, toutes les couches de la population sont présentes. A travers chacun des personnages Leila Slimani nous donne à voir, à partager le ressenti face à cette situation politique, économique, culturelle, historique si particulière qui marque la désunion de deux peuples qui ont tant partagé. Mathilde fait l'expérience de l'exil, de la vie de l'étranger dans "le pays des autres". On partage ses espoirs de jeune filles et ses rêves brisés d'épouse, ses joies de mère et son désarroi de fille et de soeur, ses difficultés à concilier ses personnelles aspirations avec les exigences de son pays d'adoption et la situation politique et culturelle dans laquelle se déroule cet exil. (Je l'avoue, les larmes de Mathilde, femme forte et plutôt indépendante, m'ont parfois agacée). Autour de Mathilde chaque personnage secondaire est travaillé avec soin, qu'il s'agisse d'Amine, l'homme qui a osé épouser une française, une fille du peuple ennemi, de Selim, la jeune soeur d'Amine qui ne rêve que de plaisir, image d'une génération sacrifiée, d'Aïcha la fille aînée du couple qui grandi entre islam et christianisme, des parents des deux protagoniste, de leurs amis, qu'ils soient du côté des colons ou de celui des marocains. S'il est question de la conditions des marocains et des colons il est aussi question de la place de la femme dans la société. Dans une interview au Figaro Madame Leila Slimani disait "Les femmes vivent toutes dans le pays des autres, car elles vivent dans le pays des hommes".

Ce premier volet très réussi fait naître une saga familiale prometteuse, où l'histoire familiale rejoint la grande Histoire. On a hâte de tous les retrouver dans le second volet et de savoir comment ils vont aborder la nouvelle voie que prendra le Maroc après les accords de la Celle Saint Cloud de fin 1955 puis de Paris en mars 1956.
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