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Critique de Presence


Ce tome est l'avant dernier dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.

À la tête des rescapés de Barrelhaven, Wendell et le capitaine des Veni Yan discutent de la conduite à tenir, ainsi que de la droiture de Lucius Down, avant de se mettre en route pour Atheia. Les 3 Bone (Fone, Phoney et Smiley), ainsi que Rose et Thorn Harvestar (sans oublier Bartleby) ont atteint les remparts d'Atheia et cherchent le moyen d'y pénétrer. En attendant Thorn et Fone bénéficient d'une explication sur les autels dédiés à la reine des rêves, fournies par Taneal, une jeune fille. Phoney et Smiley ont récupéré une charrette de foin. Mamie Ben essaye de trouver une magouille pour réussir à franchir les portes de la cité.

Jeff Smith a donc donné une nouvelle orientation à son récit, avec le déplacement de l'intrigue, avant située dans la vallée et la montagne, vers la ville d'Atheia. Il sort du chapeau de nouveaux personnages (essentiellement le tuteur spirituel de mamie Ben, et l'usurpateur Tarsil). Il s'embarrasse de Bartleby (le rat-garou enfant) que Smiley camoufle tant bien que mal dans une grange.

Pourtant, ce tome bénéficie d'un rythme de narration parfait, d'une solide continuité de l'intrigue avec les tomes précédents, et d'un vent de fraîcheur (né de la nouvelle localisation) bienvenu. Smith grossit un peu le trait du changement, en faisant bénéficier chaque personnage d'une nouvelle tenue. Mamie Ben n'a pas perdu son tablier, mais Thorn a eu le droit à une robe élégante, sans être luxueuse. Phoney et Fone sont habillés des pieds à la tête, pantalon compris, et même d'un couvre-chef (l'explication de la forme conique et de la hauteur de celui de Fone étant irrésistible).

Smiley et Phoney ne bénéficient pas d'une personnalité plus développée, mais Fone a l'occasion de mettre en valeur sa force de caractère face au mentor de mamie Ben. Ce qui emporte l'adhésion du lecteur est l'évolution de l'intrigue. Les personnages principaux ne maîtrisent toujours pas plus les événements, ce qui n'empêche pas Jeff Smith de réussir à dresser une image globale de la situation. Il sait montrer que ses personnages ne sont pas tout puissants, ou omniscients, ou même capables d'influer de manière significative sur le cours des événements.

C'est en partie cette approche relativisée de l'importance des personnages qui les rapproche du lecteur. Voilà des individus qui font de leur mieux, tout en étant ballottés par les circonstances, sans tout résoudre à coups de poing, ou par des actions héroïques et audacieuses. Cette histoire accroche également le lecteur par son inventivité. Jeff Smith montre comment les pièces des tomes précédents sont cohérentes entre elles, et les conséquences de la retraite des affaires royales par mamie Ben. Son absence des affaires de l'état (elle fut la reine du royaume) a eu des répercussions sur la gouvernance. Il continue de distiller des allusions sur le royaume des rêves. Enfin il construit son récit autour de péripéties s'insérant naturellement dans l'histoire. Au vu du comportement des 3 Bone dans les tomes précédents, le lecteur n'est pas surpris de les voir animés chacun de leurs propres motivations, et de vaquer à leurs occupations (Smiley s'occupant de Bartleby, Phoney échafaudant des plans pour s'enrichir rapidement, Bone s'occupant de l'intérêt général).

Smith s'appuie également sur la mythologie développée dans les tomes précédents. le lecteur n'assiste pas à la convergence de tous les éléments, mais à leur interaction. le domaine des rêves, Mim le premier dragon, les cercles fantômes, une pierre à prière, le sigle royal, autant d'éléments qui trouvent leur place de manière naturelle tout au long du récit, formant une toile de fond intrigante, apportant une dimension ludique à la lecture.

Smith épate également le lecteur par la facilité avec laquelle il agrège les différentes facettes de son récit. Il y a donc la menace principale de la résurgence du seigneur des Criquets, la découverte de la cité d'Atheia, le sort des rescapés de Barrelhaven, le retour de Briar Harvestar, le marché qui se tient à l'extérieur d'Atheia, les convictions du mentor de mamie Ben, ce qui se cache dans le puits de la place du marché. Au milieu de tout ça, Jeff Smith n'oublie jamais de laisser une place à l'humour et au comique sous différentes formes. Il y a donc ce crâne de forme conique, mais aussi les mines renfrognées de mamie Ben, les mimiques du propriétaire de la charrette de foin, et les visages toujours aussi expressifs des Bone. La dextérité narrative de Jeff Smith se révèle après coup quand le lecteur prend conscience qu'il a gobé et apprécié une scène se déroulant dans un marché découvert, avec des humains, des Bone et des abeilles géantes dotées de conscience et de paroles.

Ce huitième tome constitue une excellente surprise. L'intrigue se développe de manière harmonieuse, Jeff Smith accommode avec adresse sa narration, en mettant en avant ses qualités, et en maîtrisant son point faible (les scènes de dialogue sont mieux mise en scène, moins statiques et moins longues).
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