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Critique de domi_troizarsouilles


Livre emprunté à la bibliothèque un peu par hasard, je ne pourrais trop dire pourquoi j'ai tout à coup décidé de le prendre car, à part le fait que c'est un thriller et que j'aime le genre, il y a des titres et/ou des couvertures plus attirantes quand même ! Et puis je l'ai lu à toute vitesse (si l'on peut dire), par obligation : j'ai tardé avant d'entamer cette lecture, mais je dois le rendre demain, et il n'y a plus aucun exemplaire disponible, donc je ne peux même pas prolonger l'emprunt – oui, c'est un système d'emprunt virtuel, avec des exemplaires dispo, d'autre à réserver parfois à des dates très lointaines, et puis des titres comme celui-ci qui « passent » et disparaissent ensuite…

Bref, c'est un plutôt bon thriller, mais qui présente quelques maladresses qui m'ont (pour le mieux) déroutée. Je citerai notamment un changement de focus assez « brutal », le souci de rester constamment dans un certain flou à propos de ce qu'est devenu le jeune garçon disparu (mais davantage comme une litanie que comme une véritable enquête à la recherche de ce qui aurait pu lui arriver), et des cassures de rythme dans la narration.

Pour commencer : le focus est d'abord mis sur Joey, sa détresse face à ses parents en train de divorcer, ce qu'il perçoit sans trop comprendre ; du haut de ses 8 ans, il voudrait que tout redevienne comme avant avec des parents aimants. On arrive à son camp de vacances, ce fameux camp à l'américaine comme on voit parfois dans certains films, qui ressemble davantage à un exercice paramilitaire de longue durée pour têtes blondes, qu'à nos gentilles colos à la gauloise ! : on l'y voit malheureux, mais s'adaptant petit à petit, soutenu par son moniteur principal. Et puis tout à coup on a cet épisode de natation « forcée », qui ne marche évidemment pas vu sa peur panique de l'eau – qu'est-ce donc que ce moniteur de natation qui force ainsi un enfant paniqué à se jeter à l'eau !? Moi qui adore l'eau, j'ai du mal à concevoir une telle peur (que j'ai pourtant pu observer, et plusieurs semaines de suite, chez ma propre fille), mais je comprends encore moins qu'un prétendu moniteur soit mauvais au point de complètement dégoûter un enfant. Et puis soyons clair : cette façon de faire archaïque et contre-productive en natation (et un vrai nageur devrait le savoir), ça fait très cliché, aussi !

Et paf l'enfant disparaît sans laisser aucune trace, et il n'apparaîtra jamais plus comme personnage principal, alors qu'on s'était déjà bien attaché à lui. Déception !
Et re-paf les spots se tournent sans transition sur ce si discutable moniteur de natation, mais 21 ans plus tard (oui, c'est précis, et c'est fait exprès mais je n'en dirai pas plus). Jusqu'à ce que des petits événements, apparemment isolés, viennent peu à peu ternir sa vie parfaite d'homme richissime… À noter que, quoi qu'on en pense, là aussi on est dans le cliché à la limite du gauchisme : l'auteur nous présente d'emblée Alex comme le méchant qui a trop bien réussi, qui écrase ses adversaires grâce à sa fortune, fortune qui ne lui doit rien car c'est un héritage de ses propres parents déjà fortunés, mais le bougre entretient en plus un certain mythe du type qui s'est construit à partir de rien… Et n'oublions pas l'image très sexiste de sa femme, qui est là vraiment comme une potiche dans le plus pur sens du terme : elle sert de décoration, de prétexte ; elle n'a ni boulot ni apparent centre d'intérêt dans la vie, à part paraître au bras de son multimillionnaire de mari… et si elle se secoue (un tout petit peu) par moments, lui trouve cette vie privilégiée de femme entretenue tout à fait normale !

C'est d'ailleurs très paradoxal, et pour moi sans doute le plus grand coup de maître dans ce roman : c'est que le lecteur ne parvient pas à décider si Alex est un méchant que l'on voudrait voir derrière les barreaux, ou une victime certes pas tout à fait innocente mais qu'il faut protéger, et plus encore sa famille ! Il oscille constamment entre ces deux rôles pourtant totalement contradictoires, avec le rappel régulier de sa non-assistance à personne en danger avec le petit Joey, lorsqu'il avait seulement 18 ans : inconscience d'un jeune étudiant trop éloigné de la réalité d'un jeune enfant, ou méthode archaïque discutable d'un moniteur-champion trop imbu de lui-même et incapable de se remettre en question ? sans oublier la crainte (très cliché, là encore) pleine de lâcheté, que ce qu'il ne considère que comme un incident dans son parcours sans faute jusque-là, ne vienne entacher la poursuite de ses études et, plus tard, sa carrière professionnelle qu'il voit déjà brillante. Et ce sera le cas, mais quand sa vie se voit perturbée par ces quelques événements troublants, qui va agir ? Est-ce un homme posé et réfléchi, sûr de lui dans sa réussite, ou un véritable voyou ? L'auteur nous balade littéralement de l'un à l'autre : on a peur avec Alex mais de manière vraiment glaçante ! Pour tout dire : je me suis réveillée la nuit (alors que j'étais vers le milieu du roman), comme ça m'arrive parfois et puis je me rendors, sauf que là j'avais littéralement l'impression de suffoquer, comme si c'était moi qui étais en train de vivre cette noyade… et j'ai vraiment dû me forcer à compter mes respirations pour retrouver un apaisement ! Et dans le chapitre suivant, on se dit qu'il mérite bien tout ce qu'il lui arrive, et on voudrait bien participer aux actions du harceleur…

En outre, la structure du livre est parfois déroutante : outre le grand saut de 21 ans entre les épisodes du camp, et les retrouvailles du lecteur avec un Alex devenu patron d'un empire hôtelier, on a un récit assez linéaire, mais entrecoupé de flashes-back qui semblent parfois tomber de nulle part – sur les parents de Joey par exemple, mais sans jamais retrouver l'attachement qu'on avait pu avoir au début – et aussi quelques passages durant lesquels on entre clairement dans la tête de celui qui harcèle désormais Alex. le tout donne une impression parfois décousue, qui en plus casse quelque peu le rythme ! sans pour autant permettre de souffler dans cette montée de l'angoisse que l'on sent chez Alex. Cette angoisse, d'ailleurs, comme je le disais, très partagée au début et pendant un bon bout du livre, se transforme peu à peu en une curiosité inquiète, avec toujours les mêmes questions : qu'est devenu Joey ? qui est donc le harceleur d'Alex adulte ?

On l'a compris : la psychologie des personnages est assez poussée, mais c'est une approche très comportementale, alors que les motivations réelles restent assez basiques. On est plutôt dans l'analyse des rouages qui poussent à commettre tel ou tel acte, on les déploie comme un médecin légiste analyserait un corps : à la loupe et avec un certain détachement. L'auteur invite ainsi le lecteur à comprendre le cheminement de sa pensée. C'est habile sans être extraordinaire ; c'est prenant sans être complètement interpelant…
Cet effet est sans doute accentué par un langage assez cinématographique. Comme je l'ai déjà mentionné plus haut pour les colos, mais c'est le cas de bien d'autres passages : ils évoquent très vite l'un ou l'autre extrait de ces films ou séries américaines que l'on voit si facilement à la télé et, sans pouvoir dire avec précision quelle scène de quel film ou série correspondrait à quel passage du livre, le lecteur peut se faire tout le film du livre avec ces extraits épars ! Ce qui est un autre indicateur, en fait, que tout cela est quand même très stéréotypé.

Beaucoup de blabla de ma part finalement, pour dire que j'ai assez bien aimé ce livre, malgré un vague sentiment mitigé qui persiste plusieurs heures après avoir tourné la dernière page. C'est un thriller que l'on lit avec intérêt et plaisir, sans pouvoir dire que ce serait 100% passionnant, mais l'angoisse monte dans un crescendo glaçant, pour se transformer peu à peu en curiosité malsaine. Aura-t-on les réponses ? Il faut lire le livre pour le savoir, car les choses sont amenées habilement, au milieu des fausses pistes et des cassures de rythme – peut-être voulues finalement ?
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