AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nat_85


Je tiens à remercier les éditions du Seuil ainsi que Babelio pour l'envoi de ce roman, reçu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée.
» Hôtel de Paris « de Adèle Solann est publié aux éditions du Seuil en mars 2020. Ce premier roman est le récit d'un couple à bout de souffle, dans lequel le lecteur est le témoin privilégié des réflexions personnelles de chacun. Entre tendresse, trahison et déni, Adèle Solann nous plonge avec poésie et amertume dans ce dédale de sentiments.
Cette année est différente des autres années ; Justine part seule en vacances avec leurs quatre enfants à St Marc sur Mer chez ses parents. En effet, au chômage depuis maintenant deux ans, Christophe consacre ses journées à la recherche d'un emploi et ne peut se permettre d'accompagner sa famille. Par lâcheté ou par choix délibéré, il en ressent presque un soulagement à cet instant, sur ce quai de gare, comme une jubilation longtemps contenue.
p. 11 : » Il étouffe de plaisir à l'idée de ne plus être ni mari ni père de famille. «
Mais Christophe vit très mal la situation. Dépendant financièrement de sa femme, brillant médecin anesthésiste, sa fierté, sa virilité, son autonomie, tout est remis en question. Il se sent s'éloigner de sa femme, de sa famille, de lui-même.
p. 37 : » Il trouve long et ennuyeux d'attendre que le temps passe. Qu'il est loin ce point du jour où il se sentira libéré. «
Un soir, son meilleur ami Fabrice et sa femme l'emmène à l'Entre-Deux, une boîte gay parisienne. Si le couple s'amuse de la situation avec légèreté, Christophe quant à lui, s'y sent soudainement à son aise, comme libéré du poids des responsabilités, enfin vrai.
p. 78 : » Chaque nuit de cet été sans famille, il se délecte de la découverte d'une cohérence totale avec une partie de lui-même qu'il ignorait jusqu'ici et qui pourtant ne renie rien. Il veut défendre ses nuits, sa vie rêvée, ses questions, son secret, sa certitude. «
De son côté, Justine doit supporter ses parents, leurs critiques envers son mari qu'ils n'ont jamais appréciés, et qui ne se privent pas de lui faire savoir, l'enfonçant chaque jour un peu plus dans le doute…
p. 87 : » Quarante-quatre ans et toujours incapable de leur dire merde, c'est à pleurer. «
Alors, lorsqu'elle aperçoit sur la plage son premier amour d'enfance, elle y voit comme un signe. le signe d'une bouffée d'oxygène, d'insouciance, de légèreté. Mais tout cela n'est-il pas un simple mirage ?
p. 89 : » Cinq gosses, en comptant Christophe. Et aucun soutien, de personne. Je suis fatiguée. Vraiment fatiguée. J'ai envie de chialer. Planter tout le monde et partir. «
Pendant ce temps, à l'Entre-Deux, Christophe rencontre Anne-Victoire, la propriétaire de l'Hôtel de Paris. Il cherche un emploi. Elle cherche un réceptionniste. Justine ne cache pas sa surprise, mais encourage son mari. Après tout, elle souhaitait juste qu'il retrouve un travail, peu importe lequel. A l'aise dans ce nouveau rôle, il reprend confiance en lui. Jusqu'au jour où son regard croise celui d'Andreas Winter, un jeune metteur en scène de théâtre suisse, qui prend ses quartiers à l'hôtel de Paris lors de ces visites dans la capitale. C'est un véritable coup de foudre pour Christophe, une décharge électrique.
p. 149 : » Il a le désir immense que la tension de cet instant ne cesse jamais. «
S'ensuit alors un vrai combat intérieur pour Christophe, entre désirs violents et dégoût de lui-même.
p. 165 : » Il voudrait ne plus penser à lui, mais sa tête est pleine de ce nom, comme s'il l'avait attendu jusque là. Pourtant c'est faux. Justine est une certitude et sa vie n'est pas une méprise. Il se répète qu'Andreas est une illusion, un abject égarement passager. «
Si Justine se sent désirable dans les bras de son amant, elle n'envisage pas la fin de son couple. Cette crise est passagère, elle en est certaine. Christophe lui reviendra.
p. 271 : » C'est moi qui décide. Si l'un de nous deux devait partir, ce ne serait pas lui. Cela ne se peut pas. «
Les faux semblants, les mensonges, tout s'emmêle, tout déborde, tout s'entrechoque. La colère et la tendresse.
p. 296 : » […] je sais que ma vie avec Christophe est indestructible. Les enfants, nos souvenirs, notre façon d'être en couple, et aussi d'être seuls, nous relient l'un à l'autre, il faudrait casser trop profond pour nous détacher l'un de l'autre. Nous sommes usés, comme une vieille paire de bottes qui a si bien pris la forme des pieds qu'elle en devient irremplaçable malgré ses semelles défoncées. «
Comment ce couple, que pourtant rien ne semblait ébranler, pourrait-il se relever ? Que deviendrait cette famille si chacun suivait ses propres désirs ? Sinon, comment pardonner à l'autre ?
p. 326 : » Que les choses sont fragiles et ce qu'il faut de volonté pour poursuivre le chemin que l'on s'est fixé. Qu'il est ardu et douloureux de lutter contre ses émotions qui vous prennent en traître. «

Ce premier roman d'Adèle Solann aborde le délicat sujet de la pérennité du couple, de ses difficultés à résister aux dangers des désirs et du piège de la routine, illusion d'équilibre et de bonheur. En utilisant une narration à double voix – celle de Justine et celle de Christophe – l'auteure rend la prise de position pour l'un ou pour l'autre des personnages impossible. le lecteur ne peut s'attacher, puisque chacun est responsable. Ce couple en perdition est paradoxalement empli de tendresse. Malgré quelques longueurs et quelques scènes un peu tirées par les cheveux, c'est un premier roman prometteur, écrit avec justesse, profondeur et sans mièvrerie.
Lien : https://missbook85.wordpress..
Commenter  J’apprécie          280



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}