AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Thyuig


"(...) Je me demande bien pourquoi je souris... Tu m'excuseras, mais on n'a pas encore inventé d'expression du visage pour l'horreur qu'on est en train de vivre. Les séquestrations, les exécutions, les décapitations, les fusillades, les enlèvements minute... Tout ça, c'est nouveau pour nous, pour tous ceux qui aimeraient bien partir ailleurs mais qui peuvent pas, ceux qui ont vu la mort de près, ceux qui s'obstinent à rester, ceux qui travaillent ici, ceux qui vivent ici."

N'envoyez pas de fleurs est un roman noir en deux actes. Deux parties : les mystères de la Eternidad qui relate en détails l'enquête de Carlos Treviño concernant l'enlèvement de Cristina, fille d'un richissime entrepreneur local et "Le commissaire Margarito et la conversation dans l'ombre", récit détaillé quasi heure par heure de la chute du controversé commissaire Margarito.
Depuis une quinzaine d'années, le Mexique se retrouve en tête de tous les palmarès consacrés aux actes de violence : enlèvement, séquestration, disparition, meurtre, torture, sont autant de disciplines qu'exercent sans vergogne les cartels du nord du pays. Aussi Martin Solares entend-il nous détailler la mise en pratique de cette violence au travers du quotidien des habitants de la Eternidad. Se cacher, ne pas parler, fuir : réflexes quotidiens d'une ville en état de siège tant la guerre qui agite Les Nouveaux et le cartel des Anciens du Port ainsi que du gang La Cuarenta fraîchement revenu des Etats-unis, menace toute la ville.
L'enquête est passionnante, Treviño est un ancien flic, persona non grata à La Eternidad, il va naviguer à vue et découvrir la vérité sur l'enlèvement de la jeune fille. On se rend compte de l'imbrication des évênements où chacun rend des comptes à quelqu'un : le militaire au mafieux, le mafieux au commissaire, l'entrepreneur à la petite frappe, l'Américain au Mexicain... Beaucoup d'humour et d'action, les 200 pages sont rythmées et défilent avec plaisir, l'impression de se retrouver au coeur du film Traffic de Sorderbergh.
Au moment où tout bascule, Martin Solares en fait de même et retourne son roman : voyons comment se passe la vie du côté des méchants, du côté du commissaire Margarito. Une bascule nécessaire pour que le lecteur comprenne l'enfer qui se déchaîne et que Satan ne fait aucune distinction : tout le monde trinque à sa table.
Si l'originalité du roman tient dans cette bascule, celle-ci n'est pourtant pas aussi réussie que la première partie pourtant très classique. On s'ennuie un peu à suivre Margarito, à l'accompagner dans son lent effort de vie. Ce qui faisait le sel -plutôt grand public - des "mystères de la Eternidad" devient alors une succession de noms et de situations desquelles on se demande encore comment le commissaire arrive à se tirer. Pour ne pas révéler le sel de l'intrigue il est difficile de disserter plus avant sur les circonstances de la chute de Margarito mais celles-ci sont improbables et tour de magie d'écrivain.
N'envoyez pas de fleurs est un roman qui souffle le chaud et le froid, parfois drôle, parfois cynique, Martin Solares a selon moi manqué d'audaces : une troisième partie pour équilibrer son action ? On croise d'ailleurs deux fois le "docteur Solares" dans ce roman. Il semble tout connaître des mystères de la ville et de ses habitants, dommage que sa science n'ait pas plus profité au roman et à son intrigue. "Le chauffeur de la Golf, un certain docteur Solares, s'exclama en les voyant : c'est étrange, deux vieux qui font la course : ils veulent sûrement échapper à la mort. Son fils écouta la remarque et l'enregistra dans un coin de sa tête"...
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}