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Critique de NicolasElie


N’envoyez pas de fleurs - Martin Solares
Christian Bourgois Éditeur

Comment te dire… Au début, je savais pas si je venais de finir un roman ou un reportage. On va dire que c’est un reportage romancé. C’est du noir, et le contexte s’y prête. Martin Solares, il écrit pas souvent, mais quand il écrit, il a des choses à dire. Des vraies choses.
Ça change…
Dans ce roman, il nous explique le Mexique. Il nous explique son Mexique à lui.
Pas celui que t’imagines avec les plages, les sombreros, et le soleil qui brille sur un fond de ciel bleu. Le vrai Mexique. Celui où les gangs font la loi, celui où la corruption est un dogme que personne n’ose remettre en question.
Eh ben franchement ça décoiffe.
Dedans, tu vas trouver un ancien policier honnête (il n’y en a qu’un, dans tout le Mexique, et forcément, il s’est fait virer). Il s’appelle Treviño. On lui demande de bosser sur la disparition de la fille d’un mec super riche. Il a pas trop envie, mais ceux qui lui demandent de le faire ont des arguments. Il enquête, mais c’est pas facile, forcément, sinon c’était pas la peine d’écrire un bouquin…
Ça se passe à La Eternidad. Cherche pas sur Wikipédia, ça existe pas pour de vrai.
Treviño, il a arrêté un tueur en série il y a des années. Ça a pas plu à tout le monde, alors il s’est fait virer, et il vit au bord de la mer. Comme moi. Il est sans doute un peu à l’image de ces illusions auxquelles certains continuent à croire dans ce pays rongé par le Mal…
« -J’aimerais bien savoir à qui il est en train de parler… marmonna Treviño.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ? lui demanda le consul.
— Je veux dire qu’au point où on en est, il est peut-être en train d’appeler un gang du port.
— De quoi est-ce que tu parles ?
— Un policier gagne cent dollars par mois. Il faut en déduire la somme qu’il verse à son chef pour avoir le droit d’être policier, plus celle dont il doit s’acquitter pour conduire sa voiture de patrouille. Il doit aussi payer un tas de frais : son uniforme, son essence, l’entretien de son véhicule. Le calibre.38 qu’il porte à la ceinture doit valoir entre cinq cents et mille dollars, et je peux vous assurer que c’est pas le gouvernement fédéral qui lui en a fait cadeau. »
Tu vois le style ?
Et puis il y a Margarito. C’est le commissaire de la ville. Il doit partir à la retraite. Pas le choix. Il attend son successeur. Il est corrompu, bien sûr, tu croyais quoi ? Qu’ils étaient deux dans tout le Mexique à être honnêtes ? Non. Je t’ai dit. Un seul mec…
C’est grâce à lui que Martin Solares nous explique comment ça marche là-bas. Et comme il explique drôlement bien, tu vas comprendre. Et tu vas comprendre aussi que là-bas, ils ont pas le choix. Si t’acceptes pas cette corruption, tu finis suicidé avec trois balles dans la tête.
T’as vu, ça a l’air tranquille, dit comme ça, parce que c’est la force de l’écriture de Martin Solares, mais c’est noir. Grave noir. Jamais au-delà de la réalité que tu peux suivre si tu t’intéresses un minimum à ce qui se passe en Amérique du Sud, et c’est sans doute ce qui lui donne toute sa force.
C’est passionnant. Vraiment passionnant.
Note bien que les deux mecs sont aussi durs à cuire l’un que l’autre. Genre tu prends des coups, mais comme disait le père de Batman, ils t’apprennent à te relever, même si parfois, tu chancelles un peu. Comme un des commissaires précédents Margarito, qui a le record de longévité en tant que commissaire. Une heure et quart avant de se faire descendre. C’est une toute petite carrière, c’est sûr.
Difficile d’imaginer la tristesse de ce romancier quand il regarde son pays malade, mais facile d’imaginer les larmes qui doivent couler parfois sur le visage de ceux qui tentent encore d’y croire, à cette rédemption de la société mexicaine. Difficile d’imaginer comment l’enfer, le chaos, peuvent devenir la norme que personne n’ose remettre en question.
Encore une chose. Ça va vite. Très vite.
Et comme dans certains romans dont je t’ai parlé déjà, tu vas parfois te rendre compte que tu retiens ta respiration, pour pas renifler les remugles des cadavres que les gangs sèment un peu partout sans même prendre la peine de les enterrer. Et personne bouge, parce que tout le monde a la trouille de finir en morceaux au milieu du port, pour l’exemple.
Toi aussi, t’aurais la trouille, crois-moi.
Un truc que j’ai pas aimé ?
Attends, je cherche.
Quelques longueurs, parfois, mais si je dis ça, je vais me mettre tous les aficionados du ouaibe sur le sommet du crâne. En même temps, tu me connais. Je suis pas là pour me faire des copains, et Solares, il s’en tape de mon opinion. J’ai trouvé la seconde partie sans grand intérêt. Le retour du fils prodigue assez ridicule même, pour tout te dire… Inégal à la première partie, qui somme toute est assez grand public. Alors ouais, des longueurs, un style parfois trop journalistique, mais rien de grave. Je l’ai lu jusqu’au bout, même si je me suis plongé dans deux autres bouquins au milieu. C’est mon truc à moi. Si je commence à m’ennuyer et que je sens que c’est pas normal, c’est que ça vient de moi, de ma disposition d’esprit du moment. En même temps, je sortais de « Sukkwan Island »…
Succession difficile.
Lien : http://leslivresdelie.org/ca..
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