Que personne ne bouge ! Personne ne meurt ! Avec
Philoctète,
Sophocle nous épargne les assassinats cruels, les suicides grandiloquents et les représailles vengeresses. Pour autant, on ne peut pas dire qu'on se repose… Si la mort n'est pas toujours belle à voir, la vie ne l'est pas davantage, surtout lorsqu'elle s'acharne sur un personnage en particulier.
Ainsi en est-il de
Philoctète. En route pour Troie à bord d'un bateau, il se tire par inadvertance une flèche dans le pied. le pied se gangrène et pour ne pas finir ensevelis sous des fragrances infâmes, les compagnons de
Philoctète abandonnent le malheureux sur l'île déserte de Lesbos. Au moment où nous le découvrons dans la tragédie de
Sophocle, dix années se sont écoulées depuis cet accident. On imagine aisément que toutes ces années ont permis à
Philoctète de nourrir une haine sans faille pour ses compagnons de voyage… mais voilà que ceux-ci désirent désormais l'extirper de son île déserte pour le rapatrier vers Troie. Compassion ? Remords ? Que nenni ! Un oracle a prédit que Troie ne pourrait être prise sans
Philoctète et ses fameuses flèches confiées par Héraclès.
Parmi ces fameux compagnons –qu'on préfèrerait ne pas avoir- se trouve Ulysse. Il débarque sur l'île de Lemnos en compagnie de Néoptolème, fils d'Achille, qu'il persuade d'aller à la rencontre de
Philoctète pour l'attirer dans un bateau en direction de Troie. La ruse est de rigueur… le brave Néoptolème s'oppose de tout coeur à cette trahison mais trop obéissant pour refuser de se soumettre aux ordres d'Ulysse, il obtempère malgré tout. La ruse fonctionnera-t-elle ou non ?
Philoctète embarquera-t-il finalement pour Troie ? Découvrira-t-il la machination dont il a été la victime ? Êtes-vous certain que personne ne mourra ? (allez, rien qu'un cadavre, pour le plaisir !)
Si la tragédie s'inscrit, comme d'habitude avec
Sophocle, dans les corps et les chairs meurtris, la pièce de
Philoctète insiste particulièrement sur l'aspect psychologique de ses personnages. Les ruses déployées pour contrer les émotions sont bientôt détournées par de nouvelles et imprévisibles réactions –grandiloquentes, comme à leur habitude.
Pour moi qui ne suis qu'une hérétique, pour moi qui ne connais de la légende de
Philoctète que cette version donnée par
Sophocle –et qui ne peux donc la comparer à aucune autre-, je ne lui trouve qu'une valeur mythologique et historique. La lecture n'est pas désagréable mais n'enchante pas non plus. Elle ne provoquera pas d'étonnement, ni même de plaisir particulier. Même si
Philoctète, Ulysse et Néoptolème sont des êtres humains, ils semblent si désincarnés qu'on lit leurs aventures comme on regarderait des dieux s'affronter dans le ciel, très loin de nous. Si loin qu'ils nous échappent…
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