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Critique de alouett


Aimeriez-vous habiter-là ? Dans ce petit hôtel particulière trèès… particulier ?!

Au troisième étage, je vous présente la jeune Emilie, trentenaire, belle comme un printemps… et célibataire Messieurs ! Un coeur à prendre !!… si ce n'est qu'elle s'est suicidée…

Au premier, un célibataire d'une autre trempe. Un homme, la petite quarantaine, celui à qui on-ne-la-fait-pas et coureur de jupons invétéré. Il vit seul avec un gros matou mateur.

Plus bas, un couple. Elle est jeune, lui est vieux et pendant qu'elle est au lit avec un autre, lui se cache dans le placard pour prendre des photos. Complicité malsaine des conjoints face à laquelle l'amant n'est pas dupe !

Plus haut, on trouvera une vieille « sorcière », mégère aigrie, vieille fille qui passe son temps à râler après tout et tout le monde et à dépecer les chats pour en faire des ragoûts.

Sous les combles vit un jeune artiste qui vient d'essuyer une rupture cuisante. de la séparation houleuse, il n'a pu conserver qu'une chaise, une table, sa paillasse et un miroir magique… Il a perdu sa muse, la ravissante voisine du troisième. Elle était sa source d'inspiration, surtout quand elle se promenait nue au milieu des fleurs qu'elle disposait abondement en bouquets pour décorer sa salle-de-bain.

Emilie est morte mais depuis son suicide, elle hante les étages de ce petit hôtel particulier, découvre les habitudes de chacun et prend un plaisir certain à rendre visite à l'habitant qui vit là-haut, sous les combles, au milieu des nombreux portraits qu'il a fait d'elle.

Plus besoin de présenter Guillaume Sorel. Ses albums et séries ont déjà fait le bonheur de nombreux lecteurs : "Les contes de l'Ankou", "Algernon Woodcock", "Les derniers jours de Stefan Zweig", "Mens Magna"… Depuis des années, il fait preuve d'un réel attrait pour les mondes fantastiques. Il crée ainsi des univers étranges dans lesquels le fantastique côtoie la réalité de façon troublante. le lecteur se plaît à explorer ces ambiances propices au voyage imaginaire.

"Hôtel particulier" ne déroge pas à la règle.

On démarre notre voyage dès le visuel de couverture où l'on voit une jeune femme assise sur une cheminée, elle semble profiter de la brise rafraichissante qui souffle à ce moment-là. Puis, on ouvre l'ouvrage et on plonge dans un univers en noir et blanc, intrigante ambiance graphique qui déstabilise. le temps semble y être suspendu sans que l'on puisse en percevoir la raison. Un flocon de neige tombe doucement dans la cour. Derrière une fenêtre, un chat scrute le moindre signe de vie extérieur. Il fait froid dehors, on se camoufle dedans. On prend connaissance de l'héroïne qui se prélasse dans son bain. On est bien. On contemple tout en profitant de la lenteur de ses mouvements, on l'observe, on se familiarise avec elle. Elle sera notre guide puis… temps d'arrêt… elle est morte… on marque un mouvement de recul, surpris qu'autant de vie émane d'elle !

Je dois dire aussi que j'ai débuté cette lecture avec une légère appréhension. En effet, cet auteur ne m'a pas habituée à se passer de la couleur. "D'habitude", je pouvais m'appuyer sur des teintes sombres, pastel ou vives pour étayer ma compréhension et mon ressenti. Ce nouvel album nous force à nous reposer entièrement dans les mains d'Emilie et à tenir compte d'un ressenti plus instinctif. Passer au travers des murs, observer d'un autre oeil les gens qui vivent là, découvrir leur intimité. On gère naturellement l'excitation inhérente à la situation atypique du personnage, sans réelle appréhension. Les éléments fantastiques du récit créent une ambiance tout à fait sereine et pire encore, Guillaume Sorel nous permet d'y croire. C'est si inhabituel que cela en devient crédible !! du moins, j'ai eu envie d'y croire et je n'ai pas eu de mal à me laisser porter par cette intrigue.

Les illustrations en noir et blanc vont ainsi permettre au lecteur de s'approprier pleinement cet univers. Les subtils lavis de gris s'effacent finalement rapidement sous les projections imaginaires de couleurs que le lecteur fait inconsciemment. Vêtements, accessoires, teintures murales… sous l'effet des propres projections du lecteurs, ce monde coloré prend du relief. C'en est presque bluffant de constater la facilité que l'auteur a de nous faire admettre l'existence de phénomènes paranormaux et de telles habitudes de vie.

L'équilibre entre réalité et surnaturel est parfaitement géré. On profite ainsi d'un univers à la croisée de deux mondes et on avance ainsi sur la fine frontière qui les sépare. Guillaume Sorel peut ainsi puiser ses éléments narratifs dans ces deux registres sans se restreindre. L'auteur s'appuie également sur des traits de personnalités légèrement caricaturaux. Il garde pourtant une forme de retenue à l'égard des scènes qu'il montre à voir ; avec délicatesse, il étale les travers de ses personnages. L'ensemble permet au lecteur de profiter sans vergogne de cette fiction. Dans cet huis-clos, on se surprend à scruter ce qui se passe chez le voisin, une sorte de voyeurisme mondain qui n'a rien de malsain ! En compagnie d'Emile, on prend goût à ce jeu curieux, on en deviendrait presque espiègle.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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