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Critique de HordeDuContrevent


En sauvant un être humain, on sauve l'humanité entière…

Les deux précédents livres de Lize Spit, auteure flamande, m'ont tellement plu de par leur traitement original de thèmes pourtant classiques, surtout « Je ne suis pas là » sur le processus et les ravages de la folie, qu'elle est rentrée dans mon panthéon littéraire au point de me jeter sur son dernier opus en m'écriant : Génial, le dernier Spit !!

Contrairement à ses deux premiers livres, denses et épais, nous avons là un roman très court, moins de 150 pages. Ce livre est en effet à la base une nouvelle qui lui a été demandée dans le cadre de l'édition 2023 du projet annuel Boekenweekgeschenk. Celui-ci vise à offrir une histoire originale à ceux qui achètent des livres en néerlandais.

S'inspirant d'une histoire vraie vécue par l'auteure durant son enfance, celle d'une famille de réfugiés venue s'installer dans son village de Viersel, elle se place à hauteur d'un garçonnet de onze ans, Jimmy, en Belgique flamande, dans les années 1990, pour relater l'histoire d'amitié entre lui et Tristan. Tristan est un réfugié Kosovar qui a fui avec sa famille la guerre du Kosovo. Cette belle amitié est faite d'apprentissage - Jimmy est un excellent élève et c'est tout naturellement que la maitresse lui a demandé d'épauler Tristan dans l'apprentissage du néerlandais - et de découvertes culturelles – Jimmy est souvent chez Tristan, accueilli à bras ouverts par la famille, et découvre ainsi les mets culinaires, les rituels, la langue et les liens qui unissent les membres de cette famille exilée -.

«Tristan aurait pu échouer n'importe où sur la planète, dans n'importe quel pays, mais il s'était justement retrouvé ici, en Belgique. La probabilité de devenir son ami n'en était que plus faible.»

Cette amitié surtout vient égayer la vie du petit garçon qui, depuis que ses parents ont divorcé et que son père l'a comme rejeté, trompe la tristesse et la solitude en collectionnant de façon méticuleuse et passionnée les flippos, vignettes rondes qu'il trouve dans les paquets de chips à l'effigie des Looney tunes. Il rêve d'avoir la plus belle collection de tout le pays et prépare, avec les flippos en double, une superbe collection également pour Tristan devenu peu à peu son meilleur ami.
Cette collection, c'est tout un art qui va de la recherche de pièces de monnaie dans tous les distributeurs du village, en passant par le choix du paquet, la façon de récupérer les flippos, de les nettoyer, de les archiver et de noter dans un carnet le numéro du flippos, la date et le lieu d'achat…Jimmy est véritablement un collectionneur, un honorable collectionneur, et a hâte de transmettre sa passion à Tristan.

Tout le village, ou presque, a réservé un accueil chaleureux à cette famille nombreuse, touché par l'enfer vécu pour arriver jusqu'ici, traversant mers et montagnes au péril de leur vie, ce qui n'est pas sans leur laisser de lourdes séquelles. Mais, malgré leur intégration et les diverses actions pour leur venir en aide, la famille est menacée d'expulsion. Heureusement, Tristan a un plan pour obtenir le droit d'asile et ce plan met curieusement Jimmy a contribution…

Comme à son habitude, l'auteur excelle à faire monter la tension par petites touches jusqu'à l'explosion finale, employant de-ci, de-là quelques images surprenantes dont elle seule a le secret. Des images qui pétillent et dont la fraicheur est saisissante.
Je me souviens, entre autres, de celle-ci de son précédent livre. Elle m'a marquée au point de penser à cette image désormais à chaque fois que je vois un pilulier : « Plus tard, pour éviter qu'il ne prenne une double dose, j'ai acheté un pilulier à la pharmacie, une sorte de longue boite à sept tiroirs divisés en quatre compartiments, que je remplissais en début de semaine avec les cachets adéquats. Lorsqu'elle était posée debout sur le plan de travail, elle ressemblait à un minuscule immeuble de sept étages avec, derrière les fenêtres, des petites bouilles blafardes ».

De même, quelques images sont désormais associés à ce livre, comme celle-ci, dans la famille de Tristan, famille qui a fui les balles : « Il faisait à présent un temps magnifique, le jour passait en pointillé entre les lames des volets roulants, comme si on tirait sur eux des petits plombs de soleil ».


Le récit à hauteur d'enfant avec ses élans, sa naïveté, son idéalisme permet la survenue de telles images qui nous font sourire et nous attendrissent. le récit à hauteur d'enfant permet surtout d'aborder cette amitié sans limite, amitié pure qui peut abolir les différences, les frontières, les préjugés. Alors que le premier roman de Lize Spit pointait la cruauté des enfants et des adolescents, cruauté pouvant devenir traumatisme même une fois devenu adulte, L'Honorable Collectionneur nous touche par son rêve pur de fraternité. Un livre tendre et délicat, qui n'a certes pas la puissance narrative de « Je ne suis pas là » du fait de son format en longue nouvelle, mais qui permet de retrouver la plume singulière de cette auteure si talentueuse !


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