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Critique de le_Bison


Devenir contrebassiste n'est pas un choix de carrière. Plus un hasard de la vie, la rencontre entre deux êtres, un musicien pas assez bon pour faire un instrument plus noble et une grosse caisse en bois. Parce qu'au final, ce n'est que ça : de vulgaires planches découpées, assemblées et bombées mises en forme pour provoquer un bruit sourd et vibrant au fond d'une salle de concert. D'ailleurs, qui regarde le contrebassiste. On l'entend mais on ne n'y prête pas la moindre attention. Gros et laid diraient certains. Pourtant, les intentions étaient belles au départ. Ces courbes si harmonieuses que l'on dirait le corps d'une femme, des courbes que l'on caresserait délicatement de sa main si cette dernière n'avait pas de la corne si dure à force de marteler ces cordes. Et puis ce son, gros et guttural, dont aucun orchestre ne peut se passer. INDISPENSABLE, mais tellement gros qu'on l'a remisé dans un fond de salle, là où personne ne le voit même cette belle soprano avec sa voix enchanteresse et ce corps si divin.

Parce que le voilà le problème essentiel du contrebassiste : l'amour. Ou le désamour. Tu as déjà essayé d'emballer une nana avec ce gros machin qui traîne au milieu de la pièce, qui te regarde, te scrute et que tu ne peux n'y déplacer ni cacher. Elle en fait fuir plus d'une, cette contrebasse. Pas étonnant de fait que le contrebassiste devienne cet être solitaire et aigrie, du genre à finir les soirées, seul, une bière à la main. Ou deux. Même plusieurs, c'est fou ce que cela donne soif de réciter un long monologue sur la contrebasse, encore plus que décrire une chronique ici.

« Vous permettez qu'en même temps je prenne un peu de bière, c'est dingue ce que je peux me déshydrater… »

Grand succès des théâtres parisiens – et d'ailleurs, certainement – de Jacques Villeret à Clovis Cornillac. Je comprends qu'un acteur soit séduit par ce texte et sa transposition scénique. Musicien ou pas, le type se retrouve seul sur scène avec ce lourd et imposant instrument aux courbes féminines qui ne lui répondent pas et qui par conséquent passe son temps à boire de la bière. Un petit coin de paradis sur scène. Rien que pour ça, cela motiverait les plus grands acteurs. S'il le faut, moi-même je peux jouer le rôle de la contrebasse silencieuse pour pouvoir, dès que le contrebassiste a le dos tourné pour mettre un disque de Schubert ou de Wagner, tremper mes lèvres dans cette bière blonde et allemande – il en va de soi pour un texte de Süskind.

Honnêtement, il me faut certainement presqu'autant de temps de boire une pinte de Paulaner que de lire ce court texte et même si parfois, il me manque un peu de termes techniques et musicologues pour apprécier les états d'âme du contrebassiste à sa juste pensée, le plaisir d'imaginer cette bière blonde et dorée couler le long d'une contrebasse et embrasser ses contours charnus est bien là. Mais il ressort un léger sentiment de frustration : cela discute de Wagner ou de Dittersdorf mais je n'ai rien à mettre qui y ressemble sur ma platine-disque.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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