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Critique de Laureneb


J'ai cédé au marketing... Je n'ai pas réfléchi, j'ai tout de suite acheté ce texte en voyant le titre de la Horde de Contrevent, ce roman si important pour moi, que je trouve à la fois si beau, si déchirant et si fort, l'oeil attiré aussi par la belle illustration de la couverture. Ces personnages bleutés sont en formation de contre pour avancer face à un vent couleur de sable et de roche, suggéré par les traits qui indiquent le mouvement, la vitesse. On ne distingue ou ne reconnaît aucun personnage distinctement, comme pour suggérer que ce sont leurs vifs qui se tiennent devant nous, lecteurs, « cette pelote de vent qui [les] tisse, et qui leur survit, parfois ». Ces personnages sont « l'orage marcheur, la foudre lente, de l'horizon les vingt-trois éclats de verre, les copeaux bleus et les tessons » pour reprendre la présentation de la Horde donnée par Caracole devant les Fréoles. Je vois bien cette volonté de l'éditeur, plutôt que de titrer « analyse philosophique et littéraire », ce qu'est cette oeuvre.
Il y a d'abord deux chapitres écartés par Alain Damasio lui-même lors de la publication. Je comprends parfaitement pour le premier : « l'Exhorde », une note d'intention adressé au lecteur. Si certains ont eu du mal à comprendre le début du roman – qui commence en pleine action, à cause de l'accumulation de termes techniques inventés, de personnages, avec un décor peu décrit... je trouve néanmoins que cette partie est trop explicative, descriptive, savante presque même. Pour Damasio qui accorde tant d'importance au rythme, ce premier chapitre qui se pose – et qui impose - aurait plombé le roman d'entrée. le deuxième est un conte de Caracole, « le Conte du Ventemps », et je ne pourrais jamais me lasser d'un conte de Caracole. Celui-ci pourrait être une variation autour d'une réflexion de Sov : « Avant même de naître, je crois que nous marchions […]. Nous n'avons jamais eu de parent, c'est le vent qui nous a faits ». Peut-être que ce passage a été écarté, car il annonçait, prédisait même, la fin du roman. Tout cela me donne très envie d'avoir un jour une publication des carnets de préparation d'Alain Damasio, ses notes sur les personnages, leurs caractères, leur histoire personnelle, leur description physique...
Ensuite, Antoine St.Epondyle livre une analyse à la fois littéraire et philosophique du roman. Certains concepts m'ont intéressée voire séduite, j'ai plus de réserve sur d'autres. J'ai une relation presque intime à ce roman, lu dès sa parution, relu plus d'une dizaine des fois... Donc, forcément, j'ai mes propres interprétations, mes propres grilles de lecture. J'ai particulièrement aimé l'analysie poétique du poème du début sur le surgissement du vent comme force créatrice du cosmos et de la vie. J'ai appris des choses sur l'influence de concepts de Deleuze que je n'ai jamais lu, notamment celui de ritournelle, soit le jaillissement à partir du chaos. J'ai apprécié aussi les idées assez vertigineuses sur la mise en abyme : la Horde vit et bouge dans un monde, qui est contenu dans un livre, qui est, lui fini, ce qui pourrait être en soi un indice sur l'univers du roman. le véritable Créateur, ce n'est pas le Vent, le Vif, le Cosmos..., c'est L Auteur. C'est lui qui décide si la quête aura une arrivée, une fin, ou non. Pour citer à nouveau Caracole : « il y a d'abord une ligne, celle de l'histoire, qui part d'un début pour arriver à une fin ». Les personnages peuvent-ils supposer leur destinée même de personnages ?
En revanche, j'ai trouvé que certaines réflexions n'étaient pas pertinentes, trop actuelles, dans l'air du temps, mais qui n'apportent rien : oui, seuls des relations hétérosexuelles sont présentées, mais est-ce vraiment important de le remarquer ? Je ne suis pas non plus d'accord forcément sur l'analyse genrée des rôles, A. St.Epondyle suggérant que les personnages féminins sont cantonnés à des rôles typiquement féminins. Certes, Alme est une soigneuse, Aoi s'occupe de l'intendance pourrait-on dire. Mais Callirohé est présentée comme ayant transgressé le modèle attendu, s'occupant du feu et du fer. La famille d'Oroshi est une lignée matriarcale, premières femmes à occuper la fonction d'aéromaîtresse – le terme est au féminin. Je regrette que son personnage ne soit pas plus analysé, elle est purement rationnelle et intellectuelle, et s'humanise peu à peu en laissant parler sa sensibilité. A contrario, Pietro a des comportements associés traditionnellement à un personnage féminin : l'empathie et l'attention aux autres, la volonté de médiation dans les conflits...
Je regrette enfin que, si l'auteur réfléchit sur la langue, il ne réfléchisse pas assez sur la poésie de la langue de Damasio. L'auteur le dit lui-même, il donne des pistes d'interprétation et ses propres réflexions, mais avec une oeuvre si dense et si puissante que celle-ci, chacun garde ses propres images et visions du roman, et c'est ce qui en fait la force.
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