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Critique de Gonavon


J'ai récemment développé des tics horribles en lisant des livres. Déviance les a tous exacerbé. C'est un signe inquiétant quand, dès les premières pages, je referme le livre pour voir où j'en suis avec la quantité de pages – c'est littéralement un arrêt de mort quand je raye des paragraphes entiers et que je m'arrête à chaque page pour exprimer ma frustration à voix haute.

Donc j'abandonne. Ça m'énerve tellement, je me perds tant dans ma frustration que c'est rendu difficile de tourner les pages. Chaque fois que je croise une bosse, ça me force à m'arrêter, à fermer le livre et à m'élancer dans un court monologue où je libère cette frustration.

Je ne peux simplement plus. Je m'arrête à la page 21. Beaucoup trop de « tell » au lieu de « show »; on me dit que Dorothée est ainsi et pense telle chose, mais on ne le démontre pas avec des scénarios qui ont pour buts de l'établir. La première vraie scène, dans la cuisine, après la dompe (quand même rapide) d'exposition, se déroule comme le début d'une sitcom. Je m'imaginais littéralement l'audience qui se tait quand on voit Dorothée qui coupe ses légumes en silence. Puis Yan entre, se met à démonter un fusil (pour montrer qu'il aime les fusils? 1 point pour l'avoir montré en premier (puis l'avoir dit plusieurs fois), mais -1 point pour l'avoir fait de façon aussi étrange – il entre et immédiatement il se met à démonter un fusil devant sa soeur, après s'être plaint de ne pas trouver Zack).

Et Dorothée trouve ça agaçant, et l'audience rit, et l'audience rit derechef quand elle trouve la main coupée dans le frigidaire et que Rick « fait justement son entrée », pile au bon moment, entrant d'une démarche confiante, comme si de rien n'était, élicitant un énième rire de l'audience. Tout dans cette scène jouait comme une sitcom. Du peu que j'ai vu et lu, dans le livre (j'ai sauté pour voir la fin) autant qu'à l'arrière et sur les sites, l'histoire parait des plus banales, et en plus elle se permet une fin en larmes, comme si la dystopie ne sapait pas assez le moral.

L'élément qui me frustrait le plus, hormis la narration, était le CIN. Une sorte de puce mise dans le cerveau (une chose devenue courante dans cet univers) qui est essentiellement un PC. Ou un téléphone intelligent, qui au lieu de l'avoir en main à longueur de journée, eh bien, tu l'as directement dans le cerveau. Déjà, à la base, l'idée me parait stupide, la puce dans le cerveau n'est pas impossible mais ça me parait un peu poussé que ce soit courant et utilisé de la sorte. Utilisé comment? Je l'ai dit, comme un cellulaire, mais aussi comme la fameuse ceinture de Batman qui possède toujours le bon outil pour se tirer d'un pétrin.

Le CIN, pour paraphraser le roman, est dit rendre les décisions plus claires et judicieuse, ça l'améliore le cerveau, ça décuple le potentiel et accroit la précision. Autrement dit, ça rend un personnage infaillible (ou du moins, c'est ce que ça semble faire, et ce que ça faisait pour le peu que j'ai lu). Quel intérêt y a-t-il de lire les « aventures » de personnages qui ont littéralement Google 2.0 dans leur cerveau et qui peuvent trouver, en un instant, toutes les solutions aux problèmes? C'est la puce que toutes les Mary Sues ont. Et puis quand Dorothée se tourne, et qu'en une fraction seconde elle sait exactement où tirer avec son fusil pour que la voiture explose, je… non. Non merci. Il ne faut pas commencer une histoire de cette façon, ça n'investit pas du tout le lecteur, même si c'est important pour le récit que le personnage soit surpuissant. Il faut une maîtrise exceptionnelle de l'art pour commencer une histoire de la sorte *et* conjurer tout l'intérêt du lecteur.

Je soupçonne que le CIN est sûrement utilisé d'une autre façon, plus tard. Il est sans doute désactivé à un moment crucial pour un personnage, c'est peut-être utilisé pour faire un commentaire sur la dépendance à la technologie, ou un truc du genre – mais je m'en fou, honnêtement, parce que la partie que j'ai lue avec ce damné CIN était maladroite, et tout me laissait à croire que ça n'allait pas s'améliorer. Et si c'était ça le message, alors je l'ai vu venir de loin.

Le CIN n'est que le premier symptôme de cet univers qui ne fonctionne pas. Dans la dompe d'exposition du début, il n'est fait aucune mention d'un grand événement perturbateur, bien qu'ici je lise l'étiquette « extra-terrestres ». Même en prenant ça en compte, ce roman qui prendrait place en l'an 2102 m'apparait complètement bâclé dans sa tentative de réalisme. Quasiment chaque aspect dévoilé de ce monde m'envoyait dans un long détour de chiâlage où j'expliquais à voix haute pourquoi ce ne faisait aucun sens.

C'est ça le truc avec la science-fiction : plus le futur imaginé est loin, le moins l'auteur a à s'inquiéter qu'il ne paraisse pas atteignable, ou qu'il ne fasse aucun sens, et donc il peut s'attarder sur l'histoire sans d'autres soucis. En tant que lecteur, ça me réjouit, parce que je ne suis qu'un humain moyen et à moi seul je ne peux pas m'imaginer comment des siècles et des siècles auraient abouti à cet univers décapant et rempli d'inventions inimaginables. Je peux croire en l'auteur qui lui croit en son histoire. Mais ici, parce que c'est tellement proche du présent, je me tapais le front à chaque nouveau détail révélé. Ça ne tient pas debout, tout était exagéré, c'était limite caricatural.

Voilà pour la plupart ce que j'avais à dire; mon sac que j'avais à vider après cette expérience frustrante. J'ai beaucoup d'autres livres qui m'attendent, et quand j'en commence un, je me délaisse au monde de l'auteur, je lui fais entièrement confiance et je veux que cette confiance soit retournée par son expertise évidente à travers les pages. Si je vois trop de problèmes et que je ne ressens tout simplement pas la plume, ni la voix ou le propos, je pars et j'explique pourquoi, je range le livre et je n'y retourne pas.

Déviance m'a apparu trop enfantin, naïf, rongé par les problèmes dès les premières pages, avec une narration sèche qui ne m'accroche pas du tout et un univers qui me frustre. L'autre POV est en première personne, au présent, deux choses qui me répugnent et que je ne tolère que pour un format épistolaire. Ça se lisait comme le brouillon d'un premier roman. Il y a une histoire là-dedans, qui se veut dystopique mais qui selon moi rate sa cible. Ça plaira sans doute à d'autres personnes (je suis un lecteur assez téteux), et ça plait, d'ailleurs – si j'en crois ce que j'ai vu, je serais la première critique négative de ce livre.

En temps normal je ne coterais pas un livre que j'ai abandonné aussi tôt. Mais ici je me le permets, car au moment où j'écris cette critique, il n'y a que deux lecteurs sur ce livre : moi, et stephaniesylvain, une des auteures, qui a mis le livre sur la plateforme et qui l'a coté. Je peux comprendre le désir de ne pas laisser son livre sans étoiles, tout seul sur Babelio, mais je ne tolère pas que les auteurs cotent leur propre livre, et encore moins qu'ils viennent commenter dans les critiques (mais ce n'est pas le cas pour celles-ci selon ce que j'ai vu ailleurs). Donc je me permets cette note pour « équilibrer », en quelque sorte, la balance.
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