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Critique de Dionysos89


Brian Wood poursuit son profonde immersion dans l'histoire des « Northlanders », des « gens venus du Nord » parfois appelés Normands ou Vikings selon les lieux et les époques ; il s'entoure toujours d'une flopée d'artistes talentueux pour chacun de ses récits qui nous immergent ici dans le mystère des expéditions islandaises entre le VIIIe et le XIIIe siècle.

Nous débutons cette plongée guerrière et conquérante avec deux courts récits. Dans « Préludes – Au large de l'Islande » (à partir de 760 apr. J.-C.), nous suivons d'abord Dag, vieux capitaine d'une coque de noix branlante, dans sa folle quête d'un « ailleurs ». Cette réflexion sur l'esprit d'initiative et d'exploration, ainsi que sur le grain de folie qu'il convient d'avoir dans ce genre d'entreprise, se tient à la première personne. Tout en associant les représentations nordiques du monde à la dynamique d'exploration de ces « gens du nord » (Thor en dieu du Tonnerre qui vient se rappeler à l'esprit des navigateurs ; la découverte d'une terre mystérieuse faisant penser au domaine des dieux eux-mêmes), cette histoire courte est aussi l'occasion de se familiariser au dessin de Fiona Staples, pas encore autant affirmé que dans Saga, mais déjà intéressant à suivre. de même, dans « Sven l'Immortel », avec un dessin de Davide Gianfelice déjà bien plus abrupt, nous découvrons un récit qui renvoie à une longue aventure contenue dans le Livre anglo-saxon et qui était passionnante concernant le fameux Sven, jeune exilé, puis guerrier sur le retour et enfin vétéran aux velléités familiales.
Ce volume concernant les sociétés islandaises fondées au haut Moyen Âge par des explorateurs scandinaves (suédois, norvégiens et danois notamment) prend son véritable envol avec le récit « La jeune fille dans la glace » (Islande, 1240 apr. J.-C.), où Brian Wood décrit un nouveau vieillard en proie à la solitude, à l'incompréhension générale et aux ambitions des guerriers alentour. le dessin de Becky Cloonan n'est pas désagréable du tout, mais c'est surtout le fond, le contenu scénaristique qu'il convient de retenir ici, puisque Brian Wood livre une analyse du tissu social en Islande au XIIIe siècle sous la domination d'un clan nommé les Sturlungar. La justice expéditive fait alors parfois étrangement plus de bien que des enquêtes à rallonge dans des contrées difficiles d'accès.
Le plus gros morceau de cette volumineuse intégrale reste la dernière partie, « La trilogie islandaise » (871 à 1260 apr. J.-C.). Les différents chapitres qui la composent sont illustrés d'abord par Paul Azaceta, puis par Declan Shalvey, et enfin par Danijel Zezelj, ce qui montre déjà la qualité graphique générale de cette histoire. Même si l'ambiance est relativement proche quand nous passons de l'un à l'autre, le deuxième m'enthousiasme légèrement davantage que le premier avec plus de détails dans les mouvements et une attention particulière apportée à la construction des planches en alternant pages entières (splash pages) et cases plus ou moins imbriquées entre elles. Quant à Danijel Zezelj qui conclut l'illustration de cette trilogie islandaise, en collant exactement au ton donné par les deux précédents illustrateurs, il réussit à ne pas faire tâche et c'est l'essentiel. Tous trois misent sur des couleurs très glacées, très bleutées, dans la plupart des cases pour, plus tard, mettre en valeur la violence des combats (cases largement rougies) et la noirceur des sentiments (assombrissement des traits des personnages). Il faut dire que l'aspect graphique se devait d'être à la hauteur d'une histoire au long cours retraçant la lutte sur plusieurs générations du clan des Hauksson face à celui des Belgarsson pour établir une colonie stable en Islande. L'honneur et les représailles familiales deviennent alors monnaie courante entre deux raids de l'autre côté de la mer du Nord, ainsi qu'entre les revirements politiques et religieux.


Pour caractériser l'ensemble de ces histoires très disparates et de taille variable, nous pouvons souligner le fait que le scénariste de cette série opte largement pour des récits très individuels désormais (à la première personne, d'une manière où il faut « forger son propre destin ») ; en même temps, nous parcourons des paysages plutôt désertiques et c'est une ambiance de continuel front pionnier que nous fouillons ; la fuite, l'exil, l'appât du gain, il y a toujours une motivation pour aller de l'avant : c'est ce que dépeint Brian Wood pour ces Normands, mais d'une telle façon que c'est finalement largement adaptable pour n'importe quel peuple cherchant à vivre, tout simplement.
Et tandis que le corbeau ou la corneille, je ne saurais trop dire, veillent toujours au grain à chaque étape des destinées magnifiques mises en lumière dans cette nouvelle intégrale, nous avons encore le plaisir de tomber, entre les habituels héros vikings que nous connaissons plus ou moins, sur des femmes fortes, affirmées et véritables que nous rencontrons trop peu dans les oeuvres de fiction. Brida Hauksson en est un exemple particulièrement charmant que je recommande au plus grand nombre...


Brian Wood réussit donc toujours à mener plusieurs récits de front, non seulement en faisant que chacun apporte une pierre cohérente à l'édifice, mais également en travaillant avec un nombre conséquent de dessinateurs talentueux (sans oublier les coloristes tels Dave McCaig et Massimo Carnevale).

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