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Critique de meeva


meeva
03 novembre 2023
Des lettres, écrites par John Steinbeck tout au long de l'écriture de SON roman, adressées à son éditeur et visiblement ami Pascal Covici. Il s'agit plutôt d'un journal de bord, qui flirte un peu parfois avec un journal intime, un peu seulement.

Steinbeck y parle essentiellement de son manuscrit, son avancée en terme de mots, de pages, cela vire à l'obsession par moments. Steinbeck y parle de sa discipline de travail, de ses difficultés d'écriture, de ses intentions, de ses réussites.

Steinbeck envisage ces dialogues, qu'il conduit seul, comme des lettres destinées à être lues un an après ; je suppose qu'il évoque la le temps d'écrire son roman. Mais il transmet son manuscrit au fur et à mesure à son éditeur en plusieurs morceaux. Est-ce qu'il transmet en même temps ces lettres-journal ? Elles sont écrites sur les pages de gauche d'un cahier, les pages de droite recueillant le manuscrit. Il y a un aspect matériel qui m'a échappé mais c'est un détail.

C'est une lecture assez émouvante car on perçoit la personnalité de Steinbeck au travers des nombreuses répétitions entre autres. Par exemple une certaine obsession pour ses crayons, qu'il doit bien choisir, bien tailler. Cela dit c'est un outil qu'il peut utiliser six ou sept heures par jour (il faudra que j'en parle à mes élèves de collège qui se plaignent et se massent la main au bout de dix minutes d'écriture même pas intensive). Ses préoccupations au sujet de ses fils, l'un d'eux en particulier. Son regard sur sa santé mentale et sa tendance dépressive.
"C'est probablement un de ces curieux cycles qui, chez la femme, résultent de la menstruation et, chez l'homme, provoquent ces plongées dans la dépression, à la limite de la folie."

Ses réflexions sur ses personnages sur lesquels il veut garder le contrôle.
"Ce serait une très bonne plaisanterie à faire aux personnages de mon livre de les laisser en plan, à m'attendre. S'ils essaient de m'intimider et de faire ce qu'ils veulent, je vais les mettre dans une situation impossible. Ils ne peuvent pas bouger tant que je n'ai pas un crayon en main. Ils sont frigorifiés, fixés dans la glace, un pied en l'air, avec le sourire qu'ils affichaient hier quand j'ai terminé."

Très intéressant de se trouver plongé dans le processus d'écriture d'un grand écrivain - prix nobel de littérature, très intéressant d'avoir accès à ses pensées quotidiennes.
"Quand je travaille à ce point sur un livre et avec cette concentration, cela signifie que je vis une autre vie. A mesure qu'il progresse, je donne, de façon croissante, plus à cette seconde vie qu'à la première. Je dois donc être très difficile à vivre dans la vie réelle, non parce que je suis méchant mais parce que je suis flou. Les choses faites de façon ordinaire sont oubliées. Mon expression doit être celle d'une stupidité brumeuse - mes réponses, lentes. C'est pendant ce temps qu'une femme devient tout d'abord agitée, puis mal à l'aise et enfin furieuse. Je ne sais que faire a ce sujet, mais voilà. Et un livre comme celui-là dure longtemps. Ce doit être une corvée terrible de vivre avec si tu ne l'écris pas."

Très intéressant et j'ai trouvé ça passionnant. Je recommande donc vivement.
"Je me demande parfois si je ne suis pas tous les gens que j'écris. Et, mon Dieu, ils sont tellement nombreux, je dois être des centaines."

Merci à Babelio d'organiser masse critique et aux éditions Seghers d'y participer.
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