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Critique de Fabinou7


Contrairement à quelques lecteurs ici qui ont découvert le Rouge et le Noir lors des célèbres dissections de textes et cocktails d'extraits riches en chiasmes, oxymores et autres C.O.D, je n'ai jamais eu le privilège d'étudier cet ouvrage, et c'est me sentant un peu lésé – à tort à en juger l'amertume de certains initiés scolairement à Stendhal - que j'ai décidé d'en faire la connaissance.
J'ai adoré, parfois même exalté cette oeuvre géniale.

On ne peut faire l'économie de ce qui – à mon sens – est la subjugation première de l'ouvrage : Julien Sorel. A l'exception de sa propre famille, ce dernier séduit Madame de Rhénal, son mari, ses enfants, Mathilde de la Mole & ses parents, les abbés Pirard & Chélan, Fouqué, Elisa, Mme de Fervaques et d'innombrables lecteurs à travers les âges, tout cela bien souvent malgré lui. On rêve de Julien, mais on se rêve aussi en Julien.

Sa jeunesse sans compromission, la force de son caractère, celle qui fait les grands hommes selon Nietzche, grand admirateur de Stendhal et de Napoléon.
Julien n'est pas un homme de raison, il est un héros de coeur, d'instinct. Un instinct de survie d'abord, il doit se forger une armure dans une société au sein de laquelle il semble n'avoir rien à faire, et que pourtant il va marquer de son sceau indélébile.
Mais aussi un héros de coeur, qui s'éveille à l'amour, la passion mais aussi au monde, à ses codes, un monde dont chaque nouvelle génération hérite sans l'avoir choisi.

Par Julien, le lecteur comme les personnages que l'auteur place sur sa route, ressentent l'énergie la plus pure et féroce circuler au détour de chaque page.
Julien Sorel est ce que l'on pourrait appeler un moraliste, son éthique bouleverse de par sa rigueur. L'homme en proie aux doutes finit par laisser place au héros romanesque, celui qui vit et meurt pour ses principes. Même s'il ne théorise en rien sa pensée, le lecteur peut la comprendre à travers le témoignage empirique de l'existence de Julien.
Cependant, ce qui rend Sorel définitivement acquis au coeur du lecteur, ce sont bien ses maladresses & ses doutes (tantôt le Rouge et les honneurs, en costume sur son cheval, ou dans les cafés de Besançon tantôt le Noir du séminaire et des textes en latin) et toujours cette énergie qui le pousse encore plus haut, toujours plus haut.
Le lecteur fait la connaissance de cet « enfant de 1830 » alors qu'il est dans une misère sociale apriori sans issues. Mais très vite, pitié et compassion vont laisser place à l'étonnement ainsi qu'à la fascination pour l'incroyable ascension sociale sans compromissions de Julien. On remarque avec l'abbé Pirard ou encore le Marquis de la Mole l'immense potentiel et surtout le coeur du jeune homme.

"La société étant divisée par tranches, comme un bambou, la grande affaire d'un homme est de monter dans la classe supérieure à la sienne et tout l'effort de cette classe est de l'empêcher de monter." Stendhal

Le Rouge et le Noir c'est aussi le roman d'une époque, et après Julien, c'est maintenant de Stendhal dont il faut écrire un mot.
Le style de Stendhal, je l'ai lu à plusieurs reprises dans certaines critiques serait froid, difficile, indigeste. Je ne partage pas du tout cet avis. Au contraire, la plume de Stendhal est tout à fait agréable, parfois même, l'auteur glisse quelques phrases au détour desquelles le lecteur ne peut que s'arrêter et méditer. de plus, en de (trop) rares et délicieuses occasions, il prend la liberté audacieuse de s'adresser directement au lecteur, lui faisant part de ces hésitations sur tels ou tels passages, ou des possibles censures dues à une conversation avec son éditeur, le tout non sans ironie.
C'est également un roman d'actualité, d'abord parce qu'il s'insère dans l'actualité de son temps, l'année 1830 et la fin de la restauration d'ailleurs l'histoire elle-même est inspirée d'un fait réel. Stendhal va si loin dans la chronique de son temps qu'il prédit même certains évènements liés à l'avènement futur de la monarchie de Juillet !
Outre cette prouesse qui démontre le degré d'analyse socio politique que l'auteur avait de son temps, Stendhal nous livre, à côté de la personnalité de Julien, le personnage de Mathilde de la Mole qui est une figure ardente, moderne, complexe et normale. La psychologie de ces deux personnages est particulièrement aboutie et atteint un niveau rarement égalé dans mes lectures.
La liaison de ces deux personnages est romanesque et dans le même temps très vraisemblable. La psychologie de Mathilde laisse entrevoir quelques rouages de la machine amoureuse, son amour tantôt pour Julien, tantôt pour la représentation qu'elle se fait de Julien en est l'exemple parlant.

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