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Critique de Siladola


En dépit du titre, le deuxième tome des Ecrits Intimes (1818-1842) ne contient pas la suite du Journal 1805-1817. Dès 1818, Stendhal cesse de tenir ses cahiers. Après avoir pesté contre l'artifice un peu racoleur de la Pléiade, qui présente ce tome absolument comme la continuation du premier, on se remet de sa désillusion, car l'éditeur Victor del Litto a réussi le tour de force d'un « Journal reconstitué » : ainsi le nomme-t-il, à partir des annotations éparses de la bibliothèque du Grenoblois. Chaque feuillet inséré dans ses ouvrages favoris, chaque inscription en exergue trouve sa place chronologique et vient continuer les carnets décousus qu'il y avait tant de bonheur à parcourir dans le premier volume. Mais il s'agit de notes de lecture ; les anecdotes disparaissent au profit de pensées plus ou moins profondes. On peut le regretter. Il n'en reste pas moins curieux de voir exhumé du tombeau de ses livres le littérateur ressuscité.
On se consolerait quoiqu'il en soit avec les Souvenirs d'Egotisme, célèbre esquisse autobiographique rédigée en quatorze jours, abandonnée dans les chaleurs de Civitavecchia, tombée dans l'oubli et publiée pour la première fois en 1892. Cinquante ans après la mort de l'auteur - le bond dans le temps correspond à la prédiction même de Stendhal, mal reconnu par ses contemporains, et dont l'« espagnolisme » libéral est bien trop exigeant pour lui acquérir sous la Restauration la gloire des lettres. Balzac voyait en lui en 1840 "... un homme d'un talent immense qui n'aura de génie qu'aux yeux de quelques êtres privilégiés, et à qui la transcendance de ses idées ôte cette immédiate mais passagère popularité que recherchent les courtisans du peuple et que méprisent les grandes âmes."
C'est directement pour la postérité qu'il écrit ; le nombre de notices posthumes rédigées de sa propre plume, de testaments rassemblés à la fin du volume en témoigne. « J'ai écrit les vies de plusieurs grands hommes : Mozart, Rossini, Michel-Ange, Léonard de Vinci. Ce fut le genre de travail qui m'amusa le plus. Je n'ai plus la patience de chercher des matériaux, de peser des témoignages contradictoires, etc. ; il me vient l'idée d'écrire une vie dont je connais fort bien tous les incidents. Malheureusement, l'individu est bien inconnu : c'est moi. » 6 janvier 1831. Quatre ans après débutait Vie de Henry Brulard. de véritables mémoires, cette fois, remontant à l'enfance, aux sources de la maladie d'écrire : obsédante enquête sur soi que l'on ne saurait achever – derechef, l'oeuvre est arrêtée avant son terme.
Le matériau abondant et disparate des tentatives stendhaliennes ensevelira-t-il le lecteur ? Loin de là : il forme le monument incomplet, mais passionnant par son incertitude, de l'un de nos plus géniaux romanciers. Un monument qui n'intimide jamais, ni ne glace par sa majesté : ainsi que l'observe Dominique Fernandez dans une interview du 10 mars 2012 sur France Culture, ci-jointe, Stendhal restera toujours « un ami ».

Lien : http://www.franceculture.fr/..
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