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Critique de Pois0n


Pois0n
23 septembre 2019
S'il y a un bouquin que je peux lire et re(re-re-re[...])lire sans jamais m'en lasser, c'est bien L'île au trésor. C'est là la magie des bouquins préférés : on a beau les connaître par coeur, c'est comme si les compteurs étaient remis à zéro à chaque fois qu'on les ouvre, pour les redécouvrir d'un oeil presque intact, avec le même plaisir.

Depuis le temps, vous me connaissez, j'ai la plume assez grinçante en règle générale ; même les coups de coeur ne sont pas épargnés par la mention de leurs défauts, parfois de façon tout sauf tendre. Sauf qu'avec L'île au trésor, mon côté vieux ronchon reste au placard pendant toute la lecture et même après. Ce n'est pas faute de réfléchir pour essayer de trouver des points négatifs en toute objectivité... mais non, rien à faire. Stevenson a très adroitement évité tous les pièges potentiels. le rythme du récit est parfait, qu'il s'agisse du début, assez posé mais suffisamment riche en suspense pour maintenir le lecteur en éveil, ou des péripéties sur l'île qui s'enchaînent sans temps mort. Entre les deux, un voyage pépère sur lequel il n'y a rien à dire, presque mentionné tel quel. Simple et efficace.

« Simple et efficace », voilà comment résumer tout le bouquin. Au lieu de s'éparpiller dans tous les sens, de tisser des intrigues secondaires, l'auteur s'est concentré sur ce qu'il se passe ici et maintenant. Tout au plus a-t-on droit à un bref changement de narrateur à un moment donné pour avoir un meilleur aperçu de la situation, mais L'île au trésor est un récit linéaire, sans digressions. Bien entendu, simple ne veut pas dire simpliste : mine de rien, petites touches par petites touches, le décor de l'île se dessine de façon très précise. Sans jamais passer par la case « description lourdingue sur dix pages ». Du coup, les évènements s'enchaînent de façon fluide, on vit les choses aux côtés de Jim et l'on ne s'ennuie pas un seul quart de seconde.
L'île au trésor, c'est l'Aventure avec un grand A, sans toutefois jamais tomber dans l'exagération ni quitter le domaine du possible. A l'opposé du maître moderne du genre (Clive Cussler, dont le point fort sont des scènes spectaculaires à couper le souffle), Stevenson est resté étonnamment sobre. Mais pourquoi en faire des caisses quand se retrouver sur l'océan à bord d'une coquille de noix prête à chavirer à tout moment s'avère déjà bien assez périlleux comme ça ?

Il en va de même pour les personnages. le docteur ou le capitaine sont à peine esquissés, mais l'aventure de Jim est majoritairement solitaire. Non seulement le récit est raconté de son point de vue, mais l'adolescent n'en fait la plupart du temps qu'à sa tête, suivant son instinct là où les adultes tentent de gérer la situation de façon pragmatique. Les uns réfléchissent, mais lui préfère agir, quitte à ne pas trop savoir où ça va l'emmener. Tantôt effrayé (et, à sa place, on le serait à moins), tantôt téméraire jusqu'à l'inconscience, Jim oscille entre deux états d'esprit. Et il est intéressant de voir que, poussé dans ses retranchements, ses méthodes sont peut-être plus proches de celles des pirates que de celles de ses amis. L'autre personnage à agir ainsi, mais qui se trouve dans l'autre camp, c'est Long John Silver, le « méchant » de l'histoire. Long John Silver, à l'instar de Jim, est capable de tout pour s'en sortir, mais surtout du pire. Dénué de morale et de scrupules, il se place là où son intérêt se trouve, quitte à trahir un peu tout le monde en même temps.
Et ce sont ces deux personnages versatiles, flexibles, capables de s'adapter, qui s'en sortent le mieux, dans un récit et surtout un environnement où la notion d'honneur n'a pas lieu d'être. Une nature hostile, un pactole planqué quelque part, des hommes prêts à tout pour l'obtenir et surtout ne pas le partager... Dans un tel contexte, la demande de Joyce visant à savoir s'il peut tirer ou pas sur l'ennemi cherchant à lui faire la peau apparaît totalement hors-propos ! (« Mec, l'instinct de survie, tu connais ou... ? »)

L'île au trésor, c'est donc aussi un plaisir coupable. Un instant de liberté où, loin du carcan de la société (ou des obligations du quotidien), personnages et lecteurs oublient le monde extérieur. Il faut survivre, échapper aux pirates, si possible trouver le trésor, et bien sûr idéalement pouvoir rentrer après. Par l'accord tacite de la narration, au passé et à la première personne, on sait d'emblée que Jim s'en sort et pourtant, les rebondissements sont si nombreux que l'on se demande à plusieurs reprises comment tout ça va finir. Peut-être aussi est-ce inconscient, n'a-t-on pas envie de revenir à la civilisation...
… et c'est bien évidemment à regrets que l'on referme le livre, avec la promesse d'y revenir très bientôt. Une fois de plus.
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