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Critique de Sivoj


Tout le monde a entendu parlé de cette nouvelle et de ces deux personnages. Je m'attendais à ce qu'elle utilise un élément gothique fantastique afin de parler des multiples facettes ou des multiples personnalités d'un être humain, peut-être en fonction du contexte (travail, famille, amis...).
Rien de tout ça malheureusement, car nos deux personnages n'incarnent pas deux personnalités, mais deux moitiés, ou plutôt deux esquisses de moitié de personnalité. Au lieu de traiter un sujet psychologique intéressant, de manière profonde et nuancée, on a droit à deux caricatures grossières de deux aspects extrêmes qui sont censés appartenir à la même personne. Au lieu d'avoir deux personnes humaines, avec chacun leurs forces et leurs faiblesses, on a une dichotomie judéo-chrétienne bon/mauvais, gentil/méchant, digne d'un conte pour enfant. Et ce n'est pas le seul problème.

Il y a bien peu de gothique dans cette nouvelle qui est plus un croisement entre une mauvaise science-fiction et un mauvais polar. L'atmosphère n'est pas assez travaillée, et l'évènement clé est un accident pseudoscientifique (procédé qui tend à mal vieillir) – comme Frankenstein me direz-vous, sauf que Frankenstein bénéficie d'une atmosphère romantique mieux travaillée et plus déroutante, et son histoire ne tourne pas autour de la manière dont le monstre est crée, mais autour de dilemmes moraux entre la créature et de son créateur, sujet sur lequel des choses intéressantes et nouvelles sont dites. Ici, l'atmosphère essaye bien quelques tentatives pour se donner l'air plus angoissante ; en vain car on voit à chaque fois au travers, on la voit dans toute son artificialité.

Il faut aussi préciser que l'intrigue est construite comme celle d'un polar bas de gamme. Un évènement mystérieux se déroule et l'on a l'explication au dernier chapitre, avec le point de vue des personnages dont il est question ; sauf que, problème, le narrateur nous a déjà fourni une explication auparavant ; il y a redondance ; d'autant que ce dernier chapitre, censé nous faire part des sentiments de Jekyll et de Hyde, est le plus long, le plus répétitif et le plus ennuyeux du livre ; l'auteur amplifie encore sa dichotomie, Jekyll n'arrête pas de se plaindre et de nous rappeler qu'il est bon, et Hyde mauvais, "lui gentil, l'autre méchant", et il le répète ad nauseam, et la nausée vient vite.
Dans tous les cas, S-F, polar, ou gothique, utiliser un prétexte "magique" ou pseudoscientifique est une manière de démarrer une intrigue (ex: Frankenstein), mais la pire manière possible pour la résoudre, comme hélas c'est le cas ici.

Le pire est sans doute qu'en dehors de l'intrigue mal gérée et de la psychologie de comptoir, ce texte n'a rien à dire. Le fait qu'il ne présente plus d'intérêt, une fois qu'on en a vaguement entendu parlé, est le signe caractéristique de la superficialité. Je suis conscient qu'il est sévère de juger aujourd'hui la compréhension psychologique d'un auteur d'une autre époque, mais il n'y a rien de sévère à dire que, même comparé au reste du gothique victorien, cette nouvelle n'est pas très bien écrite ; l'époque n'excuse pas l'ambiance, le procédé narratif, la manière de résoudre l'intrigue, les longueurs, et les redondances. Il est peu dire que je suis déçu après avoir été appâté par le statut de classique (donc intemporel) de cette œuvre qui, je trouve, résonne peu à une autre époque que la sienne.
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