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Critique de jlvlivres


« The Lamplighters » (2021, Viking, 352 p) est le premier roman de Emma Stonex, du moins sous ce nom. La quarantaine, elle a tout d'abord travaillé dans une grande maison d'édition, avant d'écrire pour son compte. Auparavant elle a publié sous divers pseudonymes. Elle vit en famille dans le Northamptonshire, dans les Midlands de l'Est en Angleterre. Mais auparavant, elle a surtout adoré vivre au bord de la mer, dans l'île de Wright, chez sa grand-mère.

Tout part d'une histoire véridique qui a défrayé la chronique en 1900. On décide de construire un phare sur l'île escarpée d'Eilean Mòr, au nord-ouest de l'Ecosse, dans l'archipel des Hébrides. Ce sera le phare des îles Flannan (Na h-Eileanan Flannach en gaélique écossais). L'autre principal attrait de l'île est une chapelle construite au VIIème siècle par St. Flannan.
C'est maintenant un monument classé, géré par le « Northern Lighthouse Board » (NLB) à Édimbourg. de 23 mètres de haut, il est mis en marche et allumé en décembre 1899, avec trois gardiens de phare qui cohabitent et un quatrième qui est au repos. Jusque-là tout se passe bien.
Le 15 décembre 1900, la lumière s'éteint brusquement. Un petit navire, le « Archtor », steamer transatlantique, le remarque et prévient les autorités. Cinq jours plus tard, un autre navire le « Hesperus » part d'Ecosse avec Joseph Moore, un des gardiens, alors en congé, pour voir ce qui s'y passe. Il ne se passe effectivement rien. Jim Harvie, le capitaine du navire envoie une fusée pour signaler son arrivée, mais le phare ne réagit pas. Moore est le premier à débarquer et à monter les cent soixante marches. Il constate que personne ne l'attend sur le ponton de pierre et comprend que quelque chose ne va pas. Personne sur l'île, vivant ou mort. Les trois gardiens en poste, James Ducat, Thomas Marshall, and William MacArthur sont introuvables. Toutes les pendules sont arrêtées à 08.15. La table est mise, mais le repas n'a jamais été servi. Seul être vivant, un canari dans sa cage.
Vingt ans plus tard, les trois veuves se rendent sur l'île pour essayer de comprendre.

Dans le roman « The Lamplighters », Emma Stonex raconte l'histoire de trois gardiens de phare qui ont disparu en 1972 du phare de Maiden Rock, à quinze miles au large de la côte de Cornouailles. de fait Maiden Rock est situé dans le Canal du Nord, au large de la côte du comté d'Antrim et de l'Écosse. Quoiqu'il en soit, l'île est située à des kilomètres du rivage. Elle est isolée, avec pour seul bâtiment un phare. Trois gardiens de phare y cohabitent, avec des capacités à s'entendre ou au moins à tolérer leurs différences. On trouve là Arthur Black, en quelque sorte le chef, Bill et un homme plus jeune nommé Vince. Pour Arthur « C'est désorientant d'entendre parler de choses dans le monde réel, l'autre monde. Ce monde pourrait cesser d'exister et pendant un certain temps, nous n'en serions pas plus sages. Je ne suis pas sûr d'avoir besoin de ce monde. N'importe quelle ville, n'importe quelle ville, n'importe quelle pièce plus large que la longueur de deux hommes allongés, semble frivole avec la lumière et le bruit et inutilement compliquée. Je suis d'accord avec Arthur pour dire que le monde se sent bouché et inutilement compliqué ». Il est marié avec Helen. « Il avait l'habitude de dire que son père était le soleil après que le soleil se soit couché, et toutes ces années plus tard, je pense toujours que c'est la meilleure description que j'ai entendue ». William "Bill" Walker est le gardien adjoint. Il est plus jeune, a de jeunes enfants mais ne semble pas être vraiment « amoureux » de sa femme, Jenny. Cette dernière a besoin d'émotions, mais soutient fortement, qui peut encore revenir au foyer à terre, après vingt ans passés dans les phares. « Ce sont les petites choses qui font vivre un mariage : des choses qui ne coûtent pas cher mais qui disent à l'autre personne que vous l'aimez et ne demandent rien en retour ». le troisième gardien adjoint Vincent Bourne a fait de la prison. Il sait que ce travail est une chance pour lui de repartir dans la vie, en effaçant ses années antérieures, avec l'aide de Michelle, sa compagne. Vingt ans après, celle-ci s'est rebâtie une nouvelle vie conjugale et a deux filles, mais se souvient de Vincent comme de son « seul véritable amour ».
C'est une vie solitaire « La solitude s'est endurcie dans l'estomac d'Arthur » avec de longues périodes loin des femmes et de la gent féminine ou même masculine. Leur isolement est aussi bien un soulagement, qu'un refoulement de petits secrets et cachoteries. « Fréquemment, il pouvait sentir sa solitude : il pouvait la localiser avec ses doigts et si on le poussait trop fort, ça faisait mal. S'il mangeait vite, ça faisait mal. Il a bu beaucoup d'eau pour la chasser, mais elle n'est jamais venue. Il s'attendait toujours à le voir après avoir visité les toilettes. Petit et bleu. Peur. Il ne savait pas ce qu'il en ferait. Il ne savait pas ce qu'il ferait sans ça ». Ces secrets qui émergent sporadiquement et qui mènent à la colère, au ressentiment et même à la folie. A part les hommes, Emma Stonnex décrit, fort bien, le froid, le ciel gris et l'océan tout aussi gris avec ses vagues et ses embruns. Tout autour, règnent le brouillard, la brume, et le vent hurlant. « La lune pâle - les yeux à travers la fenêtre. Lune étrange. Pensées étranges. Les lunes sont si brillantes que ça fait mal. Contre tout le reste, ils sont plus brillants qu'ils ne devraient l'être. Imaginer que la lune est le soleil et que le monde entier est à l'envers ». la mer etses habitants sont tout aussi bien traités « Les requins sont] des torpilles fraîches de graisse, tranchées au niveau des branchies, équipées de dents. de la graisse et des dents, c'est le truc. Aiguilles dans un bol de lait caillé. » Ou bien « J'aime l'idée que ce coquillage soit renvoyé à la mer. Tout ce voyage sur des millions d'années, tout cet effort, se roulant dans la mouture du lessivage préhistorique, pour être craché sur un rivage lointain… »

Donc en 1972, le phare cesse d'être allumé. le navire de ravitaillement, envoyé d'urgence, avec son équipage dont Jody, trouve un phare vide et abandonné, une porte, lourde, verrouillée de l'intérieur, une table dressée pour seulement deux personnes et des horloges arrêtées à la même heure. Encore plus étrange, le journal du gardien principal indique une terrible tempête qui fait rage lorsque le temps est calme. Par contre, il n'y a plus trace de vie des trois gardiens.
On est donc très proche du récit reconstitué du phare des îles Flannan, si ce n'est la date et le lieu.
Vingt ans plus tard, en 1992, les trois veuves femmes luttent toujours contre le chagrin et ne peuvent faire leur deuil. le manque de réponses, ou les réponses incomplètes, fournies par les enquêtes de la société des phares sont plus sources de frustration que de réconfort. Il n'y a toujours aucune interprétation valable de la tragédie. Un auteur écrivain renommé, Dan Sharp, enquête de son côté sans fournir plus de détails. Il interroge les femmes, examine leurs sentiments et découvre, malgré lui, malgré elles, des secrets enfouis de longue date, des émotions, des déceptions, de la colère, de la trahison et du chagrin.

D'un point de vue littéraire, la première moitié du livre traîne un peu en longueur et langueur. On y fait connaissance des trois gardiens de phare, mais aussi, plus partiellement des épouses laissées pour compte. Tous ces personnages portent chacun leur croix d'une vie antérieure. le récit suit (presque trop) fidèlement les comptes rendus de l'époque. On fera abstraction des interprétations diverses, du niveau des complotistes, comme l'intervention de « petits hommes verts » (ou d'autre couleur), ainsi que des monstres marins surgis des profondeurs. Les dernières élucubrations officielles font état d'une très forte tempête qui aurait emporté deux des hommes voulant sécuriser des organes de sécurité, et un troisième voulant leur porter secours. Témoin de cette tempête de forts dégâts observés, notés dans les rapports officiels « Les garde-corps en fer le long du passage reliant le chemin de fer avec le sentier au débarcadère et partant de leur fondation est brisés en plusieurs endroits », dont des énormes rochers déplacés, « le gazon avait été arraché au sommet de la falaise, à 200 pieds au-dessus du niveau de la mer ». Mais à ces dates, la mer était calme. le journal de bord du phare fait cependant état d'une tempête très forte avec des « vents violents que je n'ai jamais vus depuis vingt ans ». Deux jours après, il est écrit « Tempête terminée, mer calme. Dieu est au-dessus de tout. »
Pour conclure, ce texte me fait penser au poème de Jacques Prévert. « le gardien du phare aime trop les oiseaux »
Des oiseaux par milliers volent vers les feux / Par milliers ils tombent par milliers ils se cognent / Par milliers aveuglés par milliers assommés / Par milliers ils meurent. // le gardien ne peut supporter des choses pareilles / Les oiseaux il les aime trop / Alors il dit tant pis je m'en fous / Et il éteint tout // Au loin un cargo fait naufrage / Un cargo venant des îles
Un cargo chargé d'oiseaux / Des milliers d'oiseaux des îles / Des milliers d'oiseaux noyés ».
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